terça-feira, 28 de dezembro de 2010

153- Artigo de política internacional de Friedbert Pflüger

Point de vue

La compétition pour les minerais rares est une source de conflits majeurs
Friedbert Pflüger

La Chine a procédé, pour le second semestre, à une réduction drastique de 72 % de ses exportations de terres rares. Les terres rares sont essentielles pour la quasi-totalité des technologies du futur. Les pays industriels commencent à s'inquiéter pour leur approvisionnement.


En Allemagne, le précédent gouvernement a créé, au printemps, l'Agence des matières premières Rohstoffagentur qui devrait permettre de répondre aux besoins essentiels de l'industrie allemande. Une telle initiative doit être reprise au niveau européen.

Cela démontre clairement qu'à côté de la question largement reconnue de la sécurité énergétique, l'approvisionnement adéquat en matières premières représente, lui aussi, un défi fondamental. Il y a trois raisons à cela : tout d'abord, l'augmentation permanente des demandes des 8 milliards de personnes qui vivront sur Terre en 2030 ; deuxièmement, les besoins croissants de pays en développement rapide comme la Chine, l'Inde ou le Brésil ; et enfin, notre dépendance croissante à l'égard de produits industriels de haute technologie fabriqués à partir de matières premières stratégiques.

La compétition mondiale autour des ressources minérales ne peut qu'aller en s'intensifiant. Les relations politiques internationales des prochaines décennies ne seront pas seulement qualifiées par beaucoup de "choc des civilisations", mais se caractériseront peut-être encore plus nettement par une nouvelle forme d'"impérialisme des ressources". De nouveaux conflits se profilent - y compris des risques de guerres entre Etats et de guerres civiles. Le principal aspect géopolitique de la décennie écoulée aura été la politique agressive de sécurisation des matières premières menée par la Chine, qui ne perd aucune occasion de s'affirmer dans le monde entier comme un contrepoids face aux Etats-Unis. Si l'Europe ne veut pas se retrouver au bord du chemin, alors ses politiciens et dirigeants d'entreprise doivent agir.

L'une des raisons qui expliquent la puissance croissante de la Chine est qu'environ 95 % des terres rares sont produites dans l'empire du Milieu. Or néodyme, lanthane, europium, holmium et autres entrent aujourd'hui dans la fabrication des composants utilisés dans les véhicules électriques, les lasers et les nanotechnologies, les téléphones mobiles, les ordinateurs, le verre industriel de haute qualité ou encore les dispositifs photovoltaïques.

Face à l'augmentation permanente de la demande intérieure et mondiale en matière de produits technologiques, un groupe de travail de la Commission européenne est arrivé à la conclusion que l'approvisionnement futur de l'industrie européenne en de tels métaux est menacé par le quasi-monopole chinois. En cette seule année, environ 115 000 tonnes de terres rares ont été consommées dans le monde.

On prévoit d'ores et déjà une consommation de 185 000 tonnes pour 2012. Que se passera-t-il si Pékin, pour satisfaire ses propres besoins intérieurs, décide un beau jour de cesser totalement l'exportation de certaines de ces terres rares ? Ce serait une catastrophe pour l'industrie occidentale, mais aussi un énorme avantage compétitif pour les produits technologiques chinois.

Les prévisions montrent également que la demande de certains autres métaux et minerais tels que le coltan, le cobalt, le cuivre et le titane sera supérieure à l'offre. L'une des principales raisons de la guerre civile en cours au Congo, qui a déjà fait 5 millions de morts, est la présence de gisements de matières premières, notamment de coltan, dans la province orientale du Kivu.

Ce que l'on a appelé la "coconut revolution" a fait rage durant des années autour d'une immense mine de cuivre située sur l'île Bougainville dans le Pacifique, une ancienne colonie allemande, causant la mort de 15 000 personnes. Malgré cela, le géant anglo-australien des matières premières Rio Tinto tente actuellement d'y relancer la production. De tels conflits ne peuvent que se multiplier à l'avenir, y compris dans l'Arctique, au fond des océans et peut-être un jour sur la Lune.

Que peut-on faire dans une telle situation ? En premier lieu les pays européens, mais surtout l'Union européenne (UE) elle-même, doivent définir leurs besoins spécifiques en matières premières stratégiques. Il est crucial d'élaborer une stratégie commune qui puisse être mise en oeuvre de manière ferme partout dans le monde. L'UE doit, autant que possible aux côtés des Etats-Unis, devenir un acteur global capable de démontrer sa volonté de défendre ses intérêts sur le plan des matières premières.

En deuxième lieu, politiciens et dirigeants d'entreprise doivent travailler de concert afin de sécuriser l'approvisionnement en matières premières. Les grands groupes possèdent les moyens nécessaires à l'exploitation, au raffinage et à l'infrastructure qu'implique l'extraction des matières premières.

Il faut ouvrir de nouvelles mines en Australie, mais aussi, par exemple, en Mongolie ou au Kazakhstan. L'Europe et l'Amérique doivent développer des politiques industrielles communes avec des compagnies telles que Rio Tinto, BHP Billiton ou Xstrata et les soutenir dans cette lutte mondiale contre les géants étatiques chinois. A cette fin, le volet commerce extérieur de notre politique étrangère doit être encore renforcé.

En troisième lieu, nous devons nous attacher à réduire notre dépendance actuelle à l'égard des ressources minérales stratégiques grâce au développement de substituts artificiels et à l'accroissement de l'efficacité de notre utilisation des matières premières au moyen de l'innovation chimique et technologique.

Par ailleurs, une étroite coopération entre la politique de recherche et les entreprises est nécessaire. Il importe de déterminer si certaines mines recelant des matières premières, situées sur les territoires nationaux mais fermées depuis des années parce qu'elles n'étaient pas viables économiquement, seraient aujourd'hui susceptibles d'être rentables. Enfin, l'industrie européenne possède encore un énorme potentiel grâce aux améliorations permanentes enregistrées dans le traitement des déchets industriels et le recyclage des métaux usagés.

La compétition autour des matières premières ne peut que s'intensifier, car non seulement l'équilibre mondial du pouvoir mais aussi la stabilité même des gouvernements et des sociétés en dépendent. Cependant, les populations des pays du monde en développement riches en ressources ne doivent pas être à nouveau exploitées, comme elles le furent à l'époque coloniale, et doivent au contraire tirer profit de l'extraction et du commerce des matières premières.

Sur le court terme, garder ses distances par rapport à des Etats comme le Soudan ou le Zimbabwe et être en première ligne pour dénoncer le trafic des "diamants du sang" ou exiger l'arrêt des conflits qui se déroulent autour des matières premières pourrait placer l'Europe et les Etats-Unis dans une position compétitive défavorable face à la Chine.

Mais à long terme, une politique fondée sur des critères éthiques non seulement permettra à l'Occident d'avoir pour lui la morale, mais s'avérera de surcroît économiquement plus profitable.

La sauvegarde des ressources ne restera viable que si l'Europe ne considère plus les pays du monde en développement comme de simples gisements de matières premières, mais comme des partenaires.

(Traduit de l'anglais par Gilles Berton.)


Friedbert Pflüger, professeur honoraire en politique internationale au King's College de Londres et conseiller chez Roland Berger Strategy Consultants

segunda-feira, 27 de dezembro de 2010

150- Artigo de Inácio Ramonet - A corrupção da democracia

La corrupción de la democracia
Lun, 11/15/2010
por Ignacio Ramonet
Un pilar fundamental del capitalismo
Ignacio Ramonet
Malversación de fondos, manipulación de contratos públicos, fraude fiscal, blanqueo de capitales ilícitos… En la era de la globalización neoliberal, la corrupción ha alcanzado, a escala internacional, una dimensión estructural. En el actual marco de crisis, se corre el peligro de que la “armonía mafiosa” que rige en las principales fuerzas políticas acabe con la democracia y permita
el ascenso de la extrema derecha.

El “caso Bettencourt” que zarandea a Francia con su vendaval de arrestos, odios familiares, cheques ocultos, grabaciones furtivas, fechorías fiscales y donaciones ilegales al partido del presidente Nicolas Sarkozy está hundiendo al país en una profunda crisis moral.

Liliane Bettencourt, una de las mujeres más ricas del planeta, poseedora de una fortuna de 17.000 millones de euros y propietaria del imperio de cosméticos y perfumes L’Oréal, está en el epicentro de un alucinante culebrón devenido asunto de Estado. Unas conversaciones robadas en su domicilio revelaron que el ministro del Trabajo, Eric Woerth, usó de su influencia (cuando era ministro del Presupuesto, y por consiguiente responsable de la administración fiscal) para obtener que su esposa, Florence, fuese contratada por la multimillonaria –con un salario anual de 200.000 euros– para administrar su fortuna... De paso, Eric Woerth, que también era tesorero del partido del Presidente, percibió presuntamente donaciones de decenas de miles de euros (1) para financiar la campaña electoral de Sarkozy... A cambio, se sospecha que el ministro hizo la vista gorda sobre una parte del patrimonio oculto de la dueña de L’Oréal: por ejemplo, varias cuentas millonarias en Suiza y una isla en las Seychelles valorada en unos 500 millones de euros...







Este asunto, de por sí bochornoso, adquiere mayor morbo en la medida en que Eric Woerth es el encargado de conducir la dura reforma de las jubilaciones que castigará a millones de asalariados modestos. En un ambiente de fuertes tensiones sociales y de motines de desclasados en los ghettos urbanos, el “caso Bettencourt” está reactivando el viejo litigio entre las élites y el pueblo común. Según el filósofo Marcel Gauchet, “hoy en la sociedad se respira un clima de revuelta latente y se percibe un sentimiento de distancia radical hacia los cuadros dirigentes” (2).
Francia no es la única democracia carcomida por la corrupción de algunos políticos y por la permamente confusión que muchos de ellos mantienen entre cargos públicos y beneficios privados.

Está aún fresco en las memorias el escándalo de los abusos de los gastos parlamentarios a expensas de los contribuyentes ocurrido en el Reino Unido y que, junto con otras causas, provocó el descalabro de los laboristas en las elecciones del 6 de mayo pasado. O el de la Italia de Silvio Berlusconi en donde, casi veinte años después de la operación “mani pulite” que decapitó a gran parte de la clase política, la corrupción, a modo de metástasis, vuelve a extenderse ante la impotencia de una izquierda paralizada y sin ideas. El Tribunal de Cuentas italiano, en su último informe, establece que los delitos de corrupción activa de los funcionarios públicos aumentaron el año pasado en más de un 150% (3).

Y qué decir de España, agobiada por los múltiples casos de corrupción de cargos públicos asociados a los “señores del ladrillo” enriquecidos por las delirantes políticas urbanísticas. Sin hablar del esperpéntico “caso Gürtel” que sigue coleando.

A escala internacional, la corrupción alcanza hoy, en la era de la globalización neoliberal, una dimensión estructural. Su práctica se ha banalizado igual que otras formas de la criminalidad corruptora: malversación de fondos, manipulación de contratos públicos, abuso de bienes sociales, creación y financiación de empleos ficticios, fraude fiscal, blanqueo de capitales procedentes de actividades ilícitas, etc. Se confirma así que la corrupción es un pilar fundamental del capitalismo.

El ensayista Moisés Naím afirma que, en los próximos decenios, “las actividades de las redes ilícitas del tráfico global y sus socios del mundo ‘legítimo’, ya sea gubernamental o privado, tendrán muchísimo más impacto en las relaciones internacionales, las estrategias de desarrollo económico, la promoción de la democracia, los negocios, las finanzas, las migraciones, la seguridad global; en fin, en la guerra y la paz, que lo que hasta ahora ha sido comúnmente imaginado“ (4).

Según el Banco Mundial, los flujos de dinero procedentes de la corrupción, de actividades delictivas y de la evasión fiscal hacia los paraísos fiscales alcanza la astronómica suma de 1,6 billones de euros anuales en todo el planeta... De ese monto, unos 250.000 millones corresponden al fraude fiscal cometido anualmente en la sola Unión Europea. Reinyectados en la economía legal, esos millones permitirían evitar los actuales planes de austeridad y ajuste que tantos estragos sociales están causando.

Ningún dirigente debe olvidar que la democracia es esencialmente un proyecto ético, basado en la virtud y en un sistema de valores sociales y morales que dan sentido al ejercicio del poder. En su libro póstumo, de indispensable lectura, José Vidal-Beneyto afirma que cuando en una democracia, “las principales fuerzas políticas, en plena armonía mafiosa, se ponen de acuerdo para timar a los ciudadanos” se produce un descrédito de la democracia, una repulsa de la política, un aumento de la abstención y, más peligroso, una subida de la extrema derecha (5). Y concluye: “El gobierno se corrompe por la corrupción, y cuando hay corrupción en la democracia, la corrompida es la democracia”.


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1 En Francia, la ley de financiamiento de los partidos políticos del 11-4-03, limita las donaciones de las personas físicas a 7.500 euros por año.
2 Le Monde, París, 18-7-10.
3 Clarín, Buenos Aires, 17-2-10.
4 Moisés Naím, Ilícito, Debate, Madrid, 2006.
5 José Vidal-Beneyto, La corrupción de la democracia, Catarata, Madrid, 2010.

149- Notícias - Tortura mental ou lavagem cerebral?

Isto além de caracterizar tortura (percebam que os presos não podem desligar a TV nem mudar de canal) é absolutamente inconstitucional. Estamos em um Estado laico. Isto é um escândalo!

26/12/2010 - 13h20
Prisão em Minas Gerais ganha TVs de LCD, mas diretor só permite programas religiosos

RODRIGO VIZEU
DE BELO HORIZONTE

Uma das principais denominações evangélicas de Belo Horizonte (MG), a Igreja Batista da Lagoinha, bancou a instalação de TVs LCD de 32 polegadas em todas as celas de uma prisão da cidade.

Os aparelhos ficam praticamente o tempo todo sintonizados na emissora da igreja, a Rede Super.

Os presos do Ceresp (Centro de Remanejamento do Sistema Prisional) São Cristóvão não têm a opção de desligar a TV -no máximo podem tirar som e brilho na hora de dormir- e o controle de canais é feito na sala do diretor, Luís Fernando de Sousa, membro da igreja.

Em funcionamento desde 3 de outubro, o sistema é considerado um sucesso pelo governo mineiro, que o está levando para outras unidades.

Segundo Sousa, as TVs levam tranquilidade às dez celas do local e deixam os detentos "amparados espiritualmente". Ele disse que a igreja propôs a instalação.

"Você chega na cela e está todo mundo quietinho, de olho na TV. Mudam a forma de conversar, falam "bom dia, senhor diretor, tudo bem?" É gratificante."

O diretor contou que a Rede Super fica no ar "24 horas, praticamente". A preferência, disse, não foi imposição da igreja, mas escolha "natural", já que a Rede Super não tem "pornografia nem apologia ao crime". O canal exibe os cultos da igreja.

Ele disse que abre espaço para as emissoras católicas Rede Vida e Canção Nova e, recentemente, para a TV Justiça e para um canal educativo. Um preso disse à Folha, porém, que são raros os momentos sem a Rede Super.

Sousa descartou exibir outros canais por terem "muita droga e crime" e passarem programação "não salutar".

Outro argumento é que o Ceresp é um centro de triagem e os presos costumam ficar lá só cerca de uma semana. "É o tempo que tenho para plantar a semente", disse.

Sousa guarda em sua sala uma coleção de DVDs que exibe para os presos, por passarem "mensagem boa".

São filmes bíblicos na maioria, mas também sobre vida animal e sucessos como "À Espera de Um Milagre", que se passa em uma prisão e emocionou os detentos, de acordo com Sousa. "O cara está preso e vou passar "Fuga de Alcatraz'?"

MULHER NUA E GUGU

O diretor disse que só tem ouvido elogios, mas, ao visitar o local, a Folha viu que o projeto não é unanimidade. O preso Marcelo Corrêa disse sentir falta de poder mudar de canal: "Queria ver o que acontece no mundo".

O Ceresp abriga presos célebres, como Sérgio Sales (primo do goleiro Bruno), Thales Maioline (chamado de "o "Madoff mineiro") e membros da torcida organizada Galoucura, do Atlético-MG, suspeitos de matar um torcedor do Cruzeiro.

Roberto Augusto Pereira, o Bocão, presidente da Galoucura, disse sentir falta de assistir a notícias e jogos de futebol. "Mas já adianta para passar o tempo", afirmou.

Entre os satisfeitos com a programação evangélica está Denison Balbino, preso sob suspeita de tráfico de drogas, que disse ter se reencontrado com a religião graças à TV.

"A religião é um fator de refreio social. A gente aprende isso em sociologia", afirmou o diretor Sousa.

Ele rechaça ceder aos apelos de liberar a programação. "Eles não têm instrução, não estão preparados para escolher o que é bom, vão querer ver programa com mulher nua e o do Gugu", afirmou.

Sousa disse não acreditar que restringe a liberdade dos presos e que faz o mesmo que prisões que obrigam os detentos a trabalhar ou estudar.

O subsecretário de Administração Prisional de Minas, Genilson Zeferino, disse que a parceria com a igreja é "fantástica" e que as TVs são uma "peça fundamental na humanização" dos presos.

O juiz Márcio Fraga, do CNJ (Conselho Nacional de Justiça), disse considerar "imprópria e absurda" a medida. Apesar de afirmar que as TVs podem tranquilizar os presos, ele lembrou que o Estado brasileiro é laico.

quinta-feira, 23 de dezembro de 2010

146- Artigo de Vladimir Safatle sobre Direitos Humanos

VLADIMIR SAFATLE

O Brasil no banco dos réus

"Por que vês tu o argueiro no olho do teu irmão, e não vês a trave no teu olho? (...) Hipócrita, tira primeiro a trave do teu olho e então verás como hás de tirar o argueiro do olho de teu irmão". Estas frases do Evangelho de Mateus caem como uma luva para as discussões recentes a respeito da posição brasileira a respeito dos direitos humanos.

Durante todo o ano de 2010 ouvimos a indignação de vários setores da sociedade e da imprensa contra posições ambíguas do Brasil sobre problemas de direitos humanos no Irã, em Cuba, entre outros.

Com razão, eles lembravam que o Brasil é hoje um país de ambições geopolíticas internacionais, que exigem que ele seja capaz não apenas de reconhecer, mas de pautar suas ações a partir de princípios presentes no direito internacional resultantes de lutas seculares pela universalização da liberdade. Igualdade entre homens e mulheres, liberdade de opinião e divergência são pontos importantes na pauta do longo processo de racionalização de formas de vida.

No entanto, boa parte destes setores dão a impressão de que direitos humanos é algo que cobramos apenas dos inimigos e desafetos. Pois a voz firme contra as ambiguidades brasileiras deu lugar ao silêncio vergonhoso diante de um fato que demonstra nossa posição aberrante perante do direito internacional. Na semana passada, a Corte Interamericana de Justiça condenou o Brasil pelas mortes de membros da luta armada contra a ditadura militar que desapareceram no Araguaia.

Como se não bastasse o fato das Forças Armadas brasileiras continuarem a perpetrar o crime hediondo de ocultação de cadáveres (o que, por si só, já mereceria punição), a Corte declarou que os dispositivos da Lei da Anistia que "impedem a investigação e sanção de graves violações dos direitos humanos" são incompatíveis com a Convenção Americana sobre Direitos Humanos, da qual o Brasil é signatário.

Neste sentido, a decisão da Corte apenas demonstra que, ao votar a questão sobre a interpretação da Lei da Anistia apelando a um acordo nacional que nunca ocorreu (a lei foi aprovada somente com votos do partido do governo, a antiga Arena), o STF colocou o Brasil na ilegalidade perante o direito internacional. Certamente, outras condenações internacionais virão.

Àqueles que procuram reeditar a "teoria dos dois demônios" e dizer que a luta armada era tão nefasta quanto a ditadura, vale a pena lembrar que mesmo a tradição liberal reconhece que toda ação contra um Estado ilegal é uma ação legal. Contra os que, por sua vez, preferem o simples esquecimento, vale a pena lembrar que nunca haverá perdão enquanto não houver reconhecimento do crime.

Nunca haverá perdão enquanto a trave ainda estiver nos nossos olhos.

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VLADIMIR SAFATLE escreve às terças-feiras nesta coluna.

144- Entrevista - com o sociólogo Jessé de Souza

MOBILIADADE SOCIAL

Uma nova classe social

O crescimento econômico dos últimos anos permitiu a melhoria da posição de setores da sociedade. O que isto significa? Criaram-se novas classes sociais? Procuramos um especialista no tema, o sociólogo Jessé de Souza, que nesta entrevista discute o tema e alerta que temos que ver o movimento da sociedade como um todo


por Silvio Caccia Bava

Le Monde Diplomatique Brasil – A melhoria de renda de uma faixa pobre da população a transforma em classe média? O que caracteriza esta nova classe média?

Jessé de Souza – Quanto à primeira questão, minha resposta decidida é não. Apenas a melhoria de renda não significa mudança de classe social. Não é por acaso que quase todos associem classe social à renda. Essa associação existe exatamente para que se possa falar de “classes sociais” sem que se compreenda nem um pouco do que elas significam. Isso permite que se fale na esfera pública de “classes sociais” sem que isso provoque qualquer abalo na visão superficial e conservadora do mundo que essa mesma esfera pública veicula. Ela permite também imaginar a sociedade como “ajuntamento de indivíduos” desconexos, sem passado e sem história. Essa é uma concepção absurda e é fácil demonstrar o absurdo dessa concepção.

Imaginemos um professor universitário em início de carreira que ganhe 6 mil reais. Imaginemos em seguida um trabalhador qualificado da Renault no Paraná que também ganhe 6 mil reais de salário líquido. Com toda a probabilidade, essas duas pessoas terão uma condução da vida em todas as dimensões muito diferentes entre si. A mulher ou parceiro que eles vão escolher, a escolha dos amigos, dos interesses de leitura e de diversão, das roupas, dos hábitos de consumo, do tipo de bebida e da comida, enfim, tudo o que faz alguém ser um tipo específico de gente humana. Quando muito essas duas pessoas poderiam conversar sobre futebol entre si. Qual o sentido de se dizer que essas pessoas possuem o mesmo pertencimento de classe por terem a mesma renda? Compreendemos melhor qualquer dessas pessoas a partir dessa associação?

Existe ainda outro motivo que faz a associação entre classe e renda tão popular. Ela permite transformar a produção injusta de indivíduos diferencialmente aquinhoados desde o nascimento – a falácia do “mérito individual” como justificativa da desigualdade – em luta “justa” e meritocrática por melhores salários entre indivíduos que seguem supostamente de um ponto de partida semelhante.

Essa ilusão constrói toda a justificativa de existência do mercado competitivo moderno como instituição “justa” e que se basta a si própria sem precisar, por exemplo, da ação regulatória do Estado.

A adequada percepção das classes sociais, ou seja, a compreensão que existe de uma produção diferencial de indivíduos com capacidades e possibilidades muito diferentes determinadas pelo pertencimento a uma classe específica é, por conta disso, um tipo de conhecimento subversivo da ordem dominante. Ela permite mostrar a falácia do “mérito individual” à medida que o percebe sempre socialmente produzido.

Na nossa primeira pesquisa sobre as classes populares no Brasil, que resultou no livro A ralé brasileira: quem é e como vive, UFMG, 2009, estudamos empírica e teoricamente uma classe social que nunca havia sido adequadamente percebida pelo nosso debate público político. Esse estudo nos mostrou sobejamente que certas qualidades e disposições para o comportamento, inclusive as que são pressuposto inexorável de qualquer sucesso econômico, que todos pensamos serem “naturais” a todos, são, na realidade, produto de privilégios de classe nunca percebidos enquanto tais. Assim, uma adequada “economia emocional” para o sucesso na escola e, mais tarde, no trabalho, a qual requer, por exemplo, dentre outras disposições, disciplina, autocontrole, pensamento prospectivo e capacidade de concentração, é na realidade um “privilégio de berço” de alguns privilegiados.

Sem essa “economia emocional” peculiar, não há apropriação de capital cultural possível. Além do capital econômico herdado em geral por vínculos de sangue, é a incorporação diferencial de capital cultural, como nos ensina Pierre Bourdieu, o fundamento da hierarquia social como um todo, decidindo sobre a apropriação diferencial de todos os bens materiais e ideais pelos quais todos nós lutamos 24 horas por dia. É precisamente o desconhecimento desse fato que marca o conservadorismo profundo das ciências sociais dominantes no Brasil até hoje perpassadas pelo paradigma anacrônico e superficial do “jeitinho brasileiro”, do “patrimonialismo”, da herança pré-moderna portuguesa etc.

Em todas essas versões, a atenção exclusiva ao “capital social em relações pessoais”, que é realmente importante nas relações pessoais, mas secundário em relação aos capitais impessoais expostos acima, esconde as bases reais de todo poder e privilégio social, aqui e em qualquer parte do mundo. Afinal, não existe ninguém que tenha acesso a relações pessoais importantes sem ter “previamente” acesso privilegiado ao capital econômico ou cultural. Ou o caro leitor conhece tal indivíduo? Existe, estou convencido, um acordo profundo entre essa concepção superficial da realidade e o costume de associar classe à renda. As duas servem ao mesmo fim: encobrir as reais causas do privilégio social injusto.

No estudo sobre a “ralé”, termo que usamos provocativamente num país que nega e eufemiza patologicamente todos os seus conflitos, vimos, por exemplo, que não era a falta de escola que condenava a ralé ao fracasso escolar, mas a falta de certas “disposições de classe”, como a “falta de capacidade de concentração”. Em incontáveis entrevistas em profundidade, tínhamos o relato repetido de jovens que fitavam o quadro negro por horas a fio sem conseguir “aprender”. Ao conviver com a família desses jovens, vimos que os pais nunca liam um jornal ou revista e sempre brincavam com os filhos com o carrinho de mão de pedreiro e coisas semelhantes. Como todos nós nos formamos como pessoa “afetivamente” pela imitação de quem e daquilo que amamos, o que o pai ensinava aos filhos era o destino de serem trabalhadores manuais sem qualificação. Ao contrário das famílias de classe média, em que os pais leem jornais ou romances, o tio fala um bom inglês e é admirado por isso, a mãe conta histórias cheias de fantasia aos filhos antes de dormir; o cotidiano dessas famílias desprivilegiadas era exatamente o oposto. Ainda que a mãe dissesse “da boca para fora” que a escola era a coisa mais importante da vida, de que esse testemunho serve sem o exemplo prático dos bons efeitos da escola? Se a escola que a mãe tinha frequentado alguns anos nada tinha feito de bom para ela? A partir dessa herança tão desigual de disposições e capacidades, uma classe já chega “vencedora” na escola, enquanto outra já chega predestinada ao “fracasso”. Pergunto-me, caro leitor: o que isso tem a ver com “mérito individual”? O costume de associar classe à renda e encobrir a incorporação dos capitais sociais impessoais nos cega a toda essa realidade. Os problemas estruturais da “ralé” são esquecidos por uma discussão fragmentada na qual essa classe “aparece” pelas suas “pontas do iceberg”: como “indivíduos” carentes ou perigosos, dignos de pena ou de ódio.

Sem essa divagação sociológica preliminar, não compreendemos por que a “nova classe média” é percebida com tanto triunfalismo entre nós. Interessa – do mesmo modo que se nega a “ralé” – perceber só o aumento do consumo e pensar o Brasil se tornando uma social democracia europeia em que a classe média, e não mais os pobres e excluídos, forma a espinha dorsal da estrutura social.

Negação e distorção da realidade são partes de um mesmo movimento. Na nossa pesquisa empírica e teórica sobre a “nova classe média”, recém- publicada, Os batalhadores brasileiros: nova classe média ou nova classe trabalhadora?, UFMG, 2010, encontramos um quadro muito diferente.

A “nova classe trabalhadora” brasileira – chamada impropriamente de “nova classe média” – parece se definir como uma classe social com relativa pequena incorporação dos capitais impessoais mais importantes da sociedade moderna, capital econômico e capital cultural, o que explica seu não pertencimento a uma classe média verdadeira, mas, em contrapartida, desenvolvendo disposições para o comportamento que permitem a articulação da tríade: disciplina, autocontrole e pensamento prospectivo. Essa tríade perfaz a “economia emocional” necessária para o trabalho produtivo e útil no mercado competitivo capitalista, o que separa essa classe do destino dos excluídos brasileiros que comentamos.

Sem socialização anterior de lutas operárias organizadas, disponíveis para aprender todo tipo de trabalho e dispostas a se submeter a praticamente todo tipo de superexploração da mão de obra, essa nova classe social logrou ascender a novos patamares de consumo a custo de extraordinário esforço e sacrifício pessoal.

A denominação “nova classe média” é infeliz, posto que quer dar a impressão que estamos nos tornando aquilo que nós não somos: uma sociedade em que a classe média é o estrato dominante e os pobres são segmentos marginais. Infelizmente, esse não é o caso.

A nova classe dinâmica do capitalismo brasileiro trabalha de 10 a 14 horas por dia, tem dois ou mais empregos, estuda a noite enquanto trabalha de dia e vive para trabalhar e para consumir um pouco daquilo que não podia antes. Ao contrário da maioria da “ralé” essas pessoas vêm de famílias estruturadas com forte ética do trabalho duro e da perseverança. Ao contrário da classe média real, por outro lado, eles possuem pouco capital cultural incorporado, o que a faz portadora de um estilo de vida e de um padrão de consumo que nada tem a ver com a classe média estabelecida. Eles parecem ser muito mais a nova classe trabalhadora do capitalismo flexível, que superexplora sua mão de obra aqui, na índia, na China e em outros países emergentes sem sequer ter gastos com controle e supervisão do trabalho. O regime de trabalho é como se fosse o de uma grande fábrica a céu aberto, sem capataz nem supervisor, já que o próprio trabalhador pensa ser autônomo e livre.

Uma adequada compreensão dessa “nova classe trabalhadora” supõe compreender também as bases materiais e simbólicas (de justificação e elogio da ordem estabelecida) do novo tipo de capitalismo “flexível” que a dominação financeira criou no mundo “emergente”.

A percepção das ambiguidades e das contradições é o que separa a ciência da ordem da ciência crítica. O termo “nova classe média” maquia o sofrimento e a dor da superexploração desse novo regime de trabalho.



Diplomatique – Uns dizem que o conservadorismo, o moralismo, a religiosidade, a busca pela segurança são elementos que compõem o universo de valores das classes médias. Numa visão antropológica da questão, existe uma classe média no Brasil? Ou existem várias? O que tem de novo nesta nova classe média? De que maneira as classes médias constroem sua identidade, suas aspirações? Como se expressam politicamente?

Jessé – Não existe classe social conservadora em si. Na verdade, as classes médias são “construídas” historicamente e manipuladas politicamente de modo muito diferente e peculiar em cada caso específico.

Como, ao contrário das classes altas que monopolizam o capital econômico, as classes médias se formam pela apropriação privilegiada do capital cultural – por exemplo, sob a forma de conhecimento técnico indispensável para a reprodução do mercado e do Estado – as classes médias fazem parte da fração dominada das classes dominantes.

São classes que possuem um interesse material e ideal na reprodução da ordem que as privilegia. Mas o tipo de capital cultural apropriado, por exemplo, se ele é literário e crítico, por oposição ao instrumental e técnico, influencia muito na forma de perceber e atuar no mundo.

No Brasil, a classe média tradicional, como os profissionais liberais clássicos que se percebem apenas como “pagadores de impostos”, ou a “tropa de choque” do capital, como os engenheiros, administradores e técnicos de todos os matizes, além de muita gente ligada aos setores economicamente ascendentes, como o agronegócio, tende a ser conservador e irresponsável socialmente por uma série de motivos que vale a pena elencar.

Em primeiro lugar, é preciso relevar, o que se faz muito poucas vezes, a extraordinária influência dos intelectuais para a riqueza ou pobreza de um debate público, que vai depois perpassar todas as mídias e todas as pessoas.

A ciência – e os cientistas e os intelectuais como consequência – é a herdeira secular do enorme prestígio que a religião e os líderes religiosos tinham no passado. Não existe nenhum partido nem nenhuma opinião veiculada pela mídia de qualquer espécie que não tenha sido antes ideia de um especialista científico ou de um intelectual proeminente. Isso dito e compreendido, é importante dizer também que as “ideias” não fazem o mundo ao seu bel prazer. As ideias precisam, em todos os casos, estar associadas a poderosos interesses práticos – normalmente econômicos e políticos – para exercer alguma influência sobre o comportamento prático das pessoas comuns.

Eu tenho defendido que o conceito-chave para a compreensão da pobreza e da miséria do debate público brasileiro é o tema do “patrimonialismo”. Toda a tradição dominante das ciências sociais brasileiras nasce de Sérgio Buarque. Foi ele, afinal, que tomou o “mito nacional” do brasileiro emotivo e sentimental de Gilberto Freyre e simplesmente, mantendo todos os seus pressupostos duvidosos, inverteu o sinal “político” e interpretou essa herança, ao contrário de Freyre, como nosso “mal” cultural maior.

O interessante é que ser “homem cordial”, o mesmo brasileiro do “jeitinho”, de um DaMatta de hoje, parece se “consolidar” institucionalmente apenas no Estado corrupto. Esse fato, nunca explicado, já que o homem cordial deveria ser inconfiável em todas as esferas, adquire ainda maior seletividade em todos seus continuadores, como Raymundo Faoro, Fernando Henrique, Simon Schwartsman, Roberto DaMatta e, de resto, a imensa maioria da inteligência brasileira.

Por que olhos tão seletivos? Por que a oposição simplista entre mercado virtuoso contra Estado corrupto vai ser o pão de cada dia da imprensa, do debate científico, do debate público e de partidos políticos como o PSDB, que transformou a tese do patrimonialismo em sua bandeira central?

Que a última crise tenha mostrado a falsidade desta oposição simplista não retira sua validade “afetiva”. Afinal, dizer que o mercado é apenas “virtuoso” e o Estado, politiqueiro e corrupto desconhece que praticamente toda a grande corrupção estatal tem sua base no mercado e que o mercado funciona com base em atividades ilegais e imorais sempre que isso for possível e der maior lucro. Que os grandes bancos americanos tenham maquiado o balanço de incontáveis empresas nos últimos anos e até de países como a Grécia para obter lucros fantásticos é uma fraude de proporções planetárias mostrada no mundo todo, mas aqui continuamos repetindo a cantilena da corrupção apenas estatal. É uma tese infantil, falsa e contra todas as evidências empíricas, mas quando todos a repetem ela se torna verdade imposta.

A visão que defende que a corrupção estatal é o grande problema brasileiro e a causa de todos os nossos males cumpre a função principal de defender os interesses mais particulares da sociedade – o interesse dos grandes financistas e empresários – em interpretar a reprodução social sob a forma amesquinhada da reprodução do mercado, travestindo-os de interesses universais. Afinal o combate à corrupção estatal seria do interesse de todos. Quem fala nesse mote gosta de manter uma “pose” de quem critica algo importante. O “charminho pseudocrítico” dessa tese vem precisamente dessa falsa universalização de um interesse particular.

A balela do “patrimonialismo estatal” cumpre ainda outra função manipuladora importante, especialmente em épocas de eleição como agora.

O elogio do mercado virtuoso “convida” o cidadão comum a se identificar afetivamente com ele, afinal ele é percebido como a virtude enquanto tal, contra o mal personalizado no Estado politiqueiro. Assim, o “mal” está sempre longe de nós, em “Brasília”, e o escândalo e a culpa são sempre alheios. Afinal, “deseja-se” acreditar naquilo que nos absolve de qualquer responsabilidade social.

É essa necessidade infantil e irracional o mote do patrimonialismo. Por conta disso, ele é, em grande medida, infenso à análise racional. Ela cumpre a função de satisfazer uma necessidade social fundamental em sociedades conservadoras como a nossa: a de transformar setores sociais egoístas e indiferentes à dor e ao sofrimento alheio em campeões da moralidade e do bem! Por conta disso, os suportes sociais típicos dessa tese falsa e infantil são precisamente as classes médias que exploram o trabalho barato das classes oprimidas e mantêm ainda a boa consciência de quem acredita estar lutando a favor da moral e dos bons costumes.

As falsas questões, no entanto, estão sempre no lugar de questões verdadeiras de modo a evitar que essas últimas sejam sequer percebidas e discutidas. Quase 70% do PIB nacional é ganho de capital (lucro e juros). Os pouco mais de 30% restantes são divididos entre nós, meros mortais que vivemos de salários. Nas sociedades europeias, essa relação é inversa. A balela do mercado virtuoso e do Estado corrupto permite que “esse escândalo” – este sim verdadeiro e de alcance universal – jamais seja percebido ou discutido enquanto tal.

Outro “escândalo” real e não fabricado é o Brasil possuir cerca de 1/3 de sua população sem qualquer chance de participar do mercado competitivo ou de defender seus interesses de longo prazo na política e na esfera pública. Esses são escândalos reais que sequer chegam a ser debatidos em eleições como a que acabamos de testemunhar.

Quem determina a “pauta” das eleições não tem qualquer interesse nesses debates reais e que atingem a vida concreta de dezenas de milhões de brasileiros. É essa, a meu ver, a única função verdadeira da tese do “patrimonialismo estatal”: construir falsas oposições, como entre mercado virtuoso e Estado corrupto, para ocultar conflitos e contradições reais.

Por conta disso, somos uma sociedade mesquinha que se imagina singularmente generosa. Daí vem o conservadorismo político de nossas classes médias tradicionais. Esperemos dados mais confiáveis do recente pleito para podermos analisar também o comportamento da “nova classe trabalhadora” que se quer ver como “nova classe média”. O futuro não só econômico, mas também político do Brasil contemporâneo depende da inclinação dessa nova classe dinâmica e cada vez mais numerosa.

Silvio Caccia Bava é editor de Le Monde Diplomatique Brasil e coordenador geral do Instituto Pólis.



Palavras chave: sociedade, classes sociais

terça-feira, 21 de dezembro de 2010

143- Direitos Humanos - Controle da Internet ou proteção aos direitos autorais?

Segue reportagem sobre a polêmica lei espanhola que pretendia fechar webs.

Fracasa la 'ley Sinde' en el Congreso tras el último intento del PSOE de conseguir apoyo
La ley pasa ahora al Senado, donde el Grupo Socialista intentará de nuevo un acuerdo para que sea aprobada
R. MUÑOZ | R. J. CANO - Madrid - 21/12/2010

La polémica ley Sinde ha fracasado esta noche en el Congreso, donde ha sido tumbada en la Comisión de Economía por 20 votos a 18. El PSOE se ha quedado solo con la enmienda contemplada en el proyecto de Ley de Economía Sostenible (LES) que prevía el cierre de webs que favorezcan las descargas de archivos protegidos por derechos de autor como películas o música. Después de frenéticas negociaciones a última hora de la tarde con CiU y el PP, la disposición conocida como ley Sinde no ha logrado avanzar, por lo que la Ley de Economía Sostenible pasará al Senado sin esa parte. En la Cámara alta el Grupo Socialista tratará de conseguir los apoyos necesarios el próximo año para volver a incluirla.

El PP también ha querido sacar crédito a la polémica que a buen seguro desgastará al Gobierno. Los populares exigieron del Grupo Socialista el apoyo a una enmienda suya que aumentaba la intervención judicial en el proceso. El texto planteaba el requerimiento de la autorización judicial previa para pedir los datos a los proveedores de acceso a Internet (ISP) que permitieran identificar a las webs presuntamente infractoras. El PSOE defendía que era suficiente garantía judicial la que contiene la ley de que la Audiencia Nacional decida finalmente si autoriza las peticiones de cierre de webs que le proponga la Comisión de Propiedad Intelectual. Para el PP, como para muchos detractores de la ley, esta garantía no es tal porque la Audiencia no entrará en el fondo del asunto. Y se frustró el acuerdo.

La ley ha sido sometida a votación al finalizar el pleno de la Cámara, en el que se han aprobado, entre otros, la ley antitabaco y los Presupuestos Generales de 2011. La enmienda ha recibido el rechazo de todos los grupos parlamentarios menos el PSOE. El fracaso de la llamada ley antidescargas se veía venir tras romperse las negociaciones entre el Grupo Socialista y CiU y el rechazo manifestado por el PNV. El Gobierno trató a última hora y a la desesperada de negociar con el PP, pero sin resultado. Al final, el Congreso tumbó la llamada ley Sinde.

La LES será debatida en el Senado, sin esta enmienda, a partir del 18 de enero, cuando la Cámara alta celebre su primer pleno del próximo año. Pero los detractores de la norma que pretende acabar con las webs de descargas no deben cantar aún victoria. En el Senado, el Grupo Socialista puede negociar con el PNV para tratar de ganar su apoyo, y en caso de fracaso, buscar un acuerdo con el PP. Sin embargo, el golpe de efecto y el varapalo al Gobierno de esta noche serán difíciles de curar.

La votación se ha desarrollado mientras fuera del Congreso un grupo de personas se manifestaba, después de una convocatoria por Twitter, contra la aprobación de la ley.

Después de hasta tres retrasos en la votación, y una hora y media de debate, el Grupo Socialista había forzado una negociación con los nacionalistas catalanes para intentar salvar la enmienda. La razón de esa dilación era la petición del PSOE de arrancar a toda costa un acuerdo de los catalanes para no quedarse solo en la defensa de la famosa disposición final segunda.

Los catalanes, sabedores de la debilidad del Gobierno, han tratado de estrechar el cerco para que, a cambio de su respaldo a la ley Sinde, poder conseguir que los socialistas apoyen el grueso de sus enmiendas -han presentado 200- sobre las más variadas materias (fiscalidad de vivienda, transporte, seguros, biotecnologías, fiscalidad nuclear y otras) que nada tenían que ver con Internet.

Pero ya esta tarde, el portavoz parlamentario de CiU, Josep Sánchez i Llibre, anunció la ruptura de las negociaciones e invitó al Gobierno a negociar "con sus socios naturales", tras sentirse segundo plato luego de la negativa del PNV de respaldar la iniciativa.

No se han cumplido las previsiones de que el Congreso iba a pasar de puntillas sobre la ley antidescargas. Porque si algo ha habido hoy ha sido debate. La que ha pasado desapercibido es el resto de la LES, que apenas mereció unos comentarios de los ponentes.

Oposición a la 'ley antidescargas'


La refriega sobre ley Sinde encendió la Comisión desde el principio. El PP, que había presentado varias enmiendas para asegurar una mayor intervención judicial en todo el proceso, quiso sostener un discurso equidistante. Apoyo a los derechos de propiedad intelectual, pero rechazo absoluto al proyecto del Gobierno. Para el PP, la disposición intentaba "maquillar" con un procedimiento judicial rápido el que un órgano administrativo como la Comisión de Propiedad Intelectual, dependiente del Ministerio de Cultura, pudiera cerrar páginas webs. "En la práctica, sería posible cerrar webs sin la debida garantía judicial, lo que abriría la puerta a que desde el poder político se vulnerasen derechos fundamentales como el de la libertad de expresión", según José María Lasalle.

Marta Gastón, ponente del PSOE, le refutó que solo "la justicia puede decidir el cierre de una web", y aseguró que no se puede "desproteger a un sector que da empleo a 800.000 personas y representa el 4% del PIB". Recordó que la subcomisión de Cultura acordó por mayoría dar unas garantías mínimas de protección a la propiedad intelectual, y afirmó: "Si protegemos más a los ladrillos que las ideas, estaremos condenando a nuestros jóvenes a seguir fabricando ladrillos".

El rechazo fue rotundo por parte del PNV, mucho más beligerante que lo que se esperaba en los bancos socialistas. "Nuestro grupo está profundamente en contra" de la ley Sinde, señaló Aizpiazu, quien pidió una completa reforma en profundidad de la Ley de Propiedad Intelectual.

Ya anunciada la oposición de ERC-ICV-IU, la diputada de ICV, Nuria Buenaventura, no dudó en pedir que se retire "la ley de la patada en el módem", mientras que Joan Ridao (ERC) la calificó de "chapuza de Pepe Gotera y Otilio". "Responde a la presión del lobby de la industria cinematográfica estadounidense, como ha revelado Wikileaks, al que se ha prestado el Gobierno", aseguró. También Coalición Canaria se opuso a la ley Sinde.

Y en agua de nadie, y haciendo equilibrios, Josep Sánchez-Llibre, portavoz de CiU, alimentó el suspense: "Estamos a favor de proteger la propiedad intelectual para asegurar la autonomía cultural y la dignidad profesional de los artistas". Eso dentro de la Comisión, porque nada más salir, ante el corrillo de periodistas dio por cerrada la posibilidad de un acuerdo y anunció el voto en contra.

Y vuelta a empezar. El PSOE pidió a la mesa de la Comisión hasta tres aplazamientos para intentar doblegar la resistencia de CiU mientras se celebraba el pleno. En los pasillos se podía ver a Francisco Miguel Fernández Marugán, del PSOE, intentando convencer a Sánchez-Llibre para que rectificase. No hablaban de nada que tuviera que ver con las descargas. Sino de impuestos y transportes.

Protestas


Las protestas desencadenadas por la iniciativa entre colectivos de internautas ha dificultado el apoyo de los grupos parlamentarios a la ley del Gobierno, pues nadie quiere asumir el coste electoral que eso puede suponer. Al autocierre protagonizado el domingo por las principales páginas de enlaces como Seriesyonkis o Cinetube, le siguió ayer el llamamiento desde distintos foros para bloquear las páginas del Congreso de los Diputados y de partidos como PP, PNV, PSOE y CiU. Los diputados de estos grupos parlamentarios tuvieron problemas de acceso a sus ordenadores a partir de las seis de la tarde.

Más de 5.000 internautas se han sumado en las últimas 24 horas al manifiesto Si es legal, es legal de Facua-Consumidores en Acción contra la ley Sinde, superando así las 35.000 firmas que han sido enviadas a los portavoces de la Comisión de Economía, para pedirles que no aprobasen "una norma elaborada contra los intereses de los ciudadanos".

Asimismo, más de 150 escritores, entre ellos Almudena Grandes, Rosa Montero, Juan José Millás, Ángeles Caso, Elvira Lindo, Fernando Savater y Enrique Vila Matas, han firmado el Manifiesto por el Copyright, en el que señalan que Internet debe ser un "medio libre y neutral, pero eso no quiere decir que no deban existir reglas en su administración y que pueda conservar la impunidad quien las infringe". "Con el pretexto de defender la libertad -añaden-, algunas voces están defendiendo en realidad la inmunidad para el saqueo de obras ajenas".

sábado, 18 de dezembro de 2010

141- Artigos - John Harvey

"S’organiser pour la transition anticapitaliste" par John Harvey (contretemps.eu)
mardi 30 novembre 2010

La géographie historique du développement capitaliste a atteint un point d’inflexion critique dans lequel les configurations géographiques du pouvoir se déplacent rapidement, et ce, alors que de sérieuses contraintes viennent peser sur la dynamique temporelle1.

Les 3 % de croissance cumulée (généralement considérés comme le taux de croissance-plancher indispensable pour une économie capitaliste en bonne santé) sont de plus en plus difficiles à soutenir sans avoir recours à toutes sortes de fictions (du genre de celles qui ont caractérisé les marchés d’actifs et les opérations financières des vingt dernières années). Il y a de bonnes raisons de croire qu’il n’y pas d’alternative à un nouvel ordre mondial de la gouvernance qui pourrait être contraint de gérer une transition vers une économie à 0 % de croissance. Pour y parvenir de manière équitable, il n’y a alors pas d’autre solution que le socialisme ou le communisme. Depuis la fin des années 1990, le Forum social mondial est devenu le lieu d’où peut s’énoncer l’idée qu'« un autre monde est possible ». Il lui revient à présent de dire comment un autre socialisme ou un autre communisme sont possibles et comment opérer la transition vers ces alternatives. La crise actuelle offre l’occasion d’une réflexion sur ce que cela est susceptible d’impliquer.

Les caractéristiques de la crise

La crise qui sévit trouve son origine dans les réponses apportées à la crise des années 1970. Ces réponses comprenaient notamment :

(a) une offensive victorieuse contre le mouvement ouvrier organisé et ses institutions politiques, en mobilisant des surplus de main d’œuvre globale, en instituant des changements technologiques permettant des réductions d’effectifs et en renforçant la concurrence. Il s’ensuivit des régressions de salaires à échelle globale (baisse de la part des salaires dans le PNB à peu près partout) et la création d’un volant de main d’œuvre jetable et marginalisée, plus vaste encore qu’auparavant ;

(b) la déstabilisation des structures antérieures de pouvoir monopoliste et le déplacement du stade antérieur du capitalisme monopoliste (dans le cadre de l’Etat nation) en exposant le capitalisme à une concurrence internationale beaucoup plus agressive. L’intensification de la concurrence mondiale s'est traduite par une baisse des profits des entreprises non financières. Le développement géographique inégal et la concurrence interterritoriale sont devenus des traits distinctifs du développement capitaliste, ouvrant ainsi la voie aux premiers signes d’un glissement du pouvoir hégémonique, en particulier, mais pas exclusivement, vers l’Asie ;

(c) l’utilisation et la mise en exergue de la forme la plus fluide et la plus mobile de capital – le capital argent – dans la réallocation des ressources en capital à échelle globale (devant bientôt passer par les marchés électroniques), à l’origine de la désindustrialisation dans les régions centrales traditionnelles, de nouvelles formes d’industrialisation (ultra-oppressives) et d’extraction de ressources naturelles et de matières premières agricoles sur les marchés émergents. Il en est résulté une amélioration de la rentabilité des entreprises financières et l’apparition de nouvelles manières de mondialiser et de prétendre résorber les risques avec la création de marchés de capitaux fictifs ;

(d) à l’autre extrémité de l’échelle sociale, ceci s'est traduit par un recours accru à « l’accumulation par la dépossession » comme moyen d’accroître le pouvoir de la classe capitaliste. Les nouvelles offensives d’accumulation primitive contre les populations indigènes et paysannes se sont accentuées en proportion des pertes d’actifs des classes populaires dans les économies du centre (comme en témoigne le marché des sub-primes immobilières aux Etats-Unis qui a transféré une énorme perte d’actifs sur les populations afro-américaines en particulier) ;

(e) par l’augmentation d’une demande effective par ailleurs en recul, en poussant l’économie de la dette (gouvernementale, des entreprises, des ménages) vers sa limite (en particulier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, mais dans bien d’autres pays encore, comme Dubaï ou la Lettonie) ;

(f) par la compensation de l’anémie des taux de retours sur investissements dans la production en recourant à la construction de toute une série de bulles sur les marchés d’actifs, ayant toutes la forme d'une chaîne de Ponzi, qui a culminé avec l’éclatement de la bulle immobilière en 2007-8. Ces bulles d’actifs reposaient sur le capital financier et profitaient d’importantes innovations financières telles que les dérivés et les titres de créance garantis.

Les forces politiques qui se sont structurées pour mener à bien ces transitions étaient clairement porteuses d’un caractère de classe et se sont dotées d’une idéologie bien identifiée : le néolibéralisme. Cette idéologie reposait sur l’idée selon laquelle les marchés concurrentiels, le libre échange, l’initiative individuelle et le discours entrepreneurial, fournissaient les meilleures garanties de la liberté individuelle et que l’Etat « surprotecteur » [« nanny state »] devait être démantelé pour le bien de tous. Mais dans la pratique, cela impliquait que l’Etat devait assurer l’intégrité des institutions financières, d’où l’apparition (avec la crise de la dette du Mexique et des pays émergents en 1982) d’un « risque moral » majeur au sein du système financier. L’Etat (local et national) se voyait de plus en plus tenu d’assurer un « climat favorable aux affaires » afin d’attirer les investissements dans un environnement hautement concurrentiel. Les intérêts des populations passaient après ceux du capital et en cas d’un conflit entre les uns et les autres, il fallait sacrifier les intérêts des populations (ce qui est devenu la norme des plans d’ajustement structurel du FMI à partir des années 1980). Le système ainsi créé s’apparente à une véritable forme de communisme de la classe capitaliste.

Ces conditions, bien entendu, variaient considérablement selon l’endroit du monde concerné, les rapports de classes existants, les traditions politiques et culturelles et les déplacements de l’équilibre du pouvoir politico-économique.

La gauche face à la crise

Alors comment la gauche doit-elle aborder la dynamique de cette crise ? En période de crise, l’irrationalité du capitalisme est exposée au grand jour. Le capital excédentaire et le travail excédentaire se trouvent côte-à-côte sans qu’apparemment l’on puisse parvenir à les remettre ensemble, sur fond d’immenses souffrances humaines et de besoins non satisfaits. Au milieu de l’été 2009, un tiers des biens d’équipement des Etats-Unis étaient inutilisés tandis que 17 % de la main d’œuvre était au chômage, sur des temps partiels imposés, ou relevait de la catégorie des travailleurs « découragés ». Quoi de plus irrationnel !

Le capitalisme peut-il survivre au traumatisme actuel ? Oui. Mais à quel prix ? Cette question en cache une autre. La classe capitaliste peut-elle perpétuer son propre pouvoir face à cette avalanche de difficultés économiques, sociales, politiques, géopolitiques et environnementales ? Là encore, il faut répondre « oui » sans la moindre hésitation. Mais la majorité de la population devra céder les fruits de son travail aux détenteurs du pouvoir, renoncer à un grand nombre de droits et d’actifs durement gagnés (du logement jusqu’aux droits à la retraites), et devra supporter des dégradations environnementales de toutes sortes, pour ne rien dire des reculs tous azimuts de ses conditions d’existence, ce qui veut dire, la famine pour nombre de ceux qui, tout en bas de l’échelle, en sont déjà réduits à survivre. Les inégalités de classes iront croissantes (comme on le voit déjà). Tout ceci nécessitera probablement plus qu'une répression politique ordinaire, le recours aux violences policières et l'intervention militarisée de l’Etat afin de mater l’agitation.

Dès lors que ceci reste largement imprévisible et compte tenu de la grande variabilité des espaces de l’économie globale, les incertitudes quant aux issues possibles se renforcent en période de crise. Toutes sortes de possibilités locales se font jour, soit pour des capitalistes émergents dans tel ou tel nouvel espace où ils peuvent trouver l’occasion de s’attaquer à de vieilles hégémonies de classe et de territoire (comme lorsque la Silicon Valley aux Etats-Unis a pris la place de Detroit à partir du milieu des années 1970), soit pour des mouvements radicaux alors à même de se confronter à un pouvoir de classe déjà déstabilisé. Dire que la classe capitaliste et le capitalisme peuvent survivre ne signifie pas qu’ils y sont prédestinés, ni que la question de leur forme future est d’ores et déjà réglée. Les crises sont des moments de paradoxes et de possibilités.

Que se passera-t-il cette fois-ci ? Si l’objectif est de retrouver les 3 % de croissance, il faut alors trouver des occasions d’investissements nouveaux et rentables de l’ordre de 1 600 milliards de dollars en 2010, pour tourner autour de 3 000 milliards d’ici 2030. On est loin des 150 milliards d’investissements nouveaux nécessaires en 1950 et des 420 milliards de 1973 (valeurs en dollar corrigées en fonction de l’inflation). Les vrais problèmes pour trouver des débouchés suffisants pour le capital excédentaire ont commencé à apparaître après 1980, en dépit de l’ouverture de la Chine et de l’effondrement du bloc soviétique. Ces difficultés furent en partie résolues grâce à la création de marchés fictifs où la spéculation sur les actifs pouvait librement se développer. Où ira tout cet investissement à présent ?

Si on laisse de côté les contraintes incontournables du rapport à la nature (et l’enjeu majeur du réchauffement climatique), les autres barrières potentielles de la demande effective sur le marché, de technologies et de distributions géographiques/géopolitiques, seront probablement difficiles à franchir, même à supposer, ce qui est peu vraisemblable, que n’apparaisse aucune opposition crédible à la poursuite de l’accumulation du capital et au renforcement du pouvoir de classe. Quels espaces restent encore disponibles dans l’économie globale pour permettre d'absorber les excédents de capital ? La Chine et l’ex-bloc soviétique ont déjà été intégrés. L’Asie du Sud et du Sud-Est s'en approche rapidement. L’Afrique n’est pas encore complètement intégrée mais elle est la seule à offrir la capacité d’absorption de tout ce surplus de capital. Quelles nouvelles lignes de production peuvent être ouvertes afin d’absorber la croissance ? Il se peut qu’il n’y ait pas de solutions capitalistes effectives à long-terme à cette crise du capitalisme (hormis les retours aux manipulations de capital fictif). A ce stade, les changements quantitatifs mènent à des glissements qualitatifs et il faut prendre au sérieux l’idée que l’on pourrait en être précisément à ce point d’inflexion dans l’histoire du capitalisme. La remise en cause de l’avenir du capitalisme comme système social viable devrait, par conséquent, être au centre du débat actuel.

Il semble pourtant que cette discussion ne mobilise pas grand monde, même à gauche. A la place, on continue d’entendre les incantations habituelles sur la perfectibilité de l’humanité grâce aux marchés concurrentiels et au libre-échange, à la propriété privée et à la responsabilité individuelle, à une fiscalité faible et à un engagement minimaliste de l’Etat en matière d’aide sociale, même si tout ceci sonne de plus en plus creux. Une crise de légitimité se profile. Mais à l’évidence, les crises de légitimation ne surviennent pas au même rythme que celles des marchés boursiers. Il a fallu trois ou quatre années, par exemple, avant que n’apparaissent, vers 1932, des mouvements sociaux de masse (progressistes ou fascisants) en réponse au krach boursier de 1929. L’intensité avec laquelle le pouvoir politique cherche à sortir de la crise actuelle n’est sans doute pas étrangère à cette crainte politique de la menace d’illégitimité.

Les trente dernières années, cependant, ont vu l’émergence de systèmes de gouvernance apparemment imperméables aux problèmes de légitimité et allant jusqu’à se désintéresser de la recherche même d'un consensus. La combinaison d’autoritarisme, de corruption par l'argent de la démocratie parlementaire, de surveillance, de mesures policières et de militarisation (en particulier avec la guerre contre le terrorisme), de contrôle des médias, semble nous conduire vers un monde où la canalisation du mécontentement par la désinformation, la fragmentation des oppositions et la canalisation de cultures oppositionnelles via la promotion des ONG, tend à devenir la norme, soutenue si nécessaire par une coercition brutale.

Une crise systémique

L’idée que la crise puisse avoir des origines systémiques n’a quasiment pas cours dans les principaux médias (ce, malgré la tentative d’économistes très en vue comme Stiglitz, Krugman et même Jeffrey Sachs, de reprendre à leur compte une partie des armes critiques historiques de la gauche en confessant de très occasionnels éclairs de lucidité). La plupart des initiatives gouvernementales visant à contenir la crise en Amérique du Nord et en Europe se ramènent à la perpétuation de l’existant, et par conséquent, au soutien apporté à la classe capitaliste. Le « risque moral » qui fut le premier déclencheur des défaillances financières franchit maintenant un nouveau cap avec les plans de sauvetage des banques. Les pratiques réelles du néolibéralisme (par opposition avec sa théorie utopique) ont toujours consisté en l’assistance pure et simple au capital financier et aux élites capitalistes (avec l’argument habituel que les institutions financières doivent être protégées quoi qu’il arrive et qu’il est du devoir du pouvoir d’Etat de créer un climat favorable aux affaires et devant permettre de dégager de confortables marges bénéficiaires). Ceci n’a pas fondamentalement changé. Ces pratiques sont justifiées à partir d’une idée douteuse selon laquelle la « marée montante » des initiatives capitalistes « remettra tout le monde à flots », ou que les avantages de la croissance cumulée profiteront à tous comme par magie (ce qui n’arrive jamais excepté lorsque quelques miettes tombent de la table des riches).

Alors comment les capitalistes se sortiront-ils de la crise actuelle et avec quelle rapidité ? Le rebond des valeurs boursières de Shanghai et Tokyo jusqu’à Francfort, Londres et New York est un bon signe, nous dit-on, malgré un chômage toujours croissant à peu près partout. On peut relever le caractère de classe de cette vison : il faut se réjouir du rebond des valeurs boursières pour les capitalistes parce qu’il est censé toujours précéder un rebond de « l’économie réelle », là où les emplois pour les travailleurs sont créés et où les revenus sont gagnés. Le fait que le dernier rebond boursier, en 2002 aux Etats-Unis, n'a été qu'une « reprise sans emplois » semble avoir été déjà oublié. Le public anglo-saxon en particulier semble gravement frappé d’amnésie. Il oublie et pardonne facilement les transgressions de la classe capitaliste et les désastres périodiques dont elle est la cause et les médias capitalistes s’empressent de promouvoir une telle amnésie. Les économies chinoise et indienne continuent de croître, à grandes enjambées, pour la première. Mais dans le cas de la Chine, la contrepartie en est une expansion gigantesque du prêt bancaire pour des projets à risques (les banques chinoises étaient restées en marge de la folie spéculative globale, mais se chargent maintenant de la relayer). La suraccumulation de capacités productives progresse rapidement et les investissements infrastructurels de long terme dont la productivité ne sera connue que dans plusieurs années, sont en plein essor (même sur les marchés immobiliers urbains). La demande chinoise florissante entraîne derrière elle des économies axées sur l’offre de matières premières comme l’Australie ou le Chili. Le scénario d’un krach qui pourrait en résulter en Chine ne peut être écarté mais il lui faudra un certain temps pour se préciser (dans une sorte de version de long-terme du cas de Dubaï). Dans le même temps, l’épicentre global du capitalisme glisse de plus en plus vite vers l’Est de l’Asie.

Le retour des fictions

Dans les centres financiers anciens, les jeunes requins de la finance ont déjà encaissé leurs bonus et ont collectivement créé un ensemble d’institutions financières pour encercler Wall Street et la City de Londres pour se partager les restes des géants financiers d’autrefois, en récupérer les meilleurs morceaux et recommencer comme avant. Les banques d’investissement encore en piste aux Etats-Unis (Goldman Sachs et J. P. Morgan), malgré leur réincarnation en holdings bancaires ont réussi à être exemptées (grâce à la Réserve fédérale) des dispositions réglementaires et font d’énormes profits (et provisionnent en conséquence pour verser d'énormes bonus) en spéculant dangereusement avec l’argent des contribuables sur des marchés de dérivés non-réglementés et toujours en expansion. L’effet de levier à l’origine de la crise se répète de plus belle et comme si de rien n’était. Les innovations dans la finance se développent avec de nouvelles modalités d’emballage et de vente de dettes (capital fictif) proposées à des institutions (comme les fonds de pensions) désespérément à la recherche de nouveaux débouchés pour le capital excédentaire. Les fictions (tout comme les bonus) sont de retour !

Des consortiums rachètent les biens immobiliers saisis et attendent que le marché remonte pour revendre à profit, ou alors se constituent une réserve de foncier haut de gamme en prévision d’une reprise de l’activité immobilière. Les banques classiques cachent des liquidités, provenant pour une bonne part des réserves publiques, en comptant bien assurer bientôt, là encore, des versements de bonus comparables au passé tandis que toute une série d’entrepreneurs restent à l’affût dans l’espoir de tirer parti de ce moment de « destruction créatrice » alimenté par un flot d’argent public.

Dans le même temps, le pouvoir brut de l’argent, aux mains de quelques-uns, s’attaque à tout ce qui peut ressembler à de la gestion démocratique. Les lobbies pharmaceutiques, de l’assurance santé et des hôpitaux, par exemple, ont déboursé plus de 133 millions de dollars au cours du premier trimestre de l’année 2009 pour imposer leurs volontés dans les réformes de la santé aux Etats-Unis. Max Baucus, en position stratégique à la tête de la commission des finances du Sénat responsable du projet de loi sur la santé a reçu 1, 5 million de dollars en contrepartie d’une loi qui remet aux mains des compagnies d’assurance un grand nombre de nouveaux clients peu protégés contre une exploitation et une extorsion impitoyables (Wall Street est aux anges). Nous entrerons bientôt dans un nouveau cycle électoral légalement corrompu par une énorme puissance d’argent. Aux Etats-Unis, les partis de « K Street » (ses lobbyistes et autres think tanks) et de « Wall Street » seront réélus en bonne et due forme tandis que l’on exhorte les Américains à travailler pour échapper au chaos créée par la classe dirigeante. On nous rappelle que nous en avons vu d’autres et qu'à chaque fois, les Américains ont retroussé leurs manches, se sont serré la ceinture et ont sauvé le système de son mystérieux mécanisme d’autodestruction, mécanisme dans lequel la classe dirigeante assure qu’elle n’a aucune responsabilité. Au bout du compte, la responsabilité personnelle est l'affaire des travailleurs, pas des capitalistes.

Socialisme et communisme

S’il s’agit bien là des grandes lignes de la stratégie de sortie de crise, on peut être quasiment certain de se retrouver dans la même situation dans les cinq années qui viennent. Plus on sortira rapidement de cette crise et moins on détruira de capital excédentaire maintenant, moins il y aura place pour un retour à une croissance active durable. La perte d’actifs, à ce stade (au milieu de l’année 2009), selon le FMI, se monte à 55 000 milliards de dollars, ce qui correspond presqu’exactement à une année de production globale de biens et de services. Nous en sommes déjà revenus aux niveaux de production de 1989. On peut tabler sur des pertes d’au moins 400 000 milliards de dollars avant de voir le bout du tunnel. Un surprenant calcul a d’ailleurs récemment suggéré qu’à lui seul, l’Etat américain doit garantir plus de 200 000 milliards de dollars d’actifs. L’éventualité que tous ces actifs s'effondrent est tout à fait marginale, mais que nombre d’entre eux puissent effectivement être concernés, voilà une perspective qui donne grandement à réfléchir. Pour ne prendre qu’un seul exemple concret : Fannie Mae et Freddie Mac, maintenant reprises en main par le gouvernement des Etats-Unis, détiennent ou garantissent plus de 5 000 milliards de dollars en emprunts immobiliers dont un grand nombre sont en grande difficulté (des pertes de plus de 150 milliards de dollars ont été enregistrées rien qu’en 2008). Alors quelles sont donc les autres solutions ?De longue date, nombreux sont celles et ceux qui, dans le monde, ont rêvé qu’une alternative à la (à l’ir)rationalité capitaliste pouvait être définie et atteinte rationnellement en mobilisant les passions humaines dans la recherche collective d’une vie meilleure pour tous. Ces autres voies, historiquement connues sous les noms de socialisme et de communisme, ont été expérimentées en divers lieux et à divers moments. Par le passé, comme dans les années 1930, la vision de l’un ou de l’autre était porteuse d’espoir. Mais plus récemment, ils ont tous deux perdu de leur éclat, jugés inadéquats et abandonnés, pas seulement à la suite de l’échec des expériences historiques du communisme qui n’ont pas su tenir leurs promesses et aux penchants des régimes communistes à dissimuler leurs erreurs sous la répression, mais aussi du fait de leurs présupposés, jugés erronés, quant à la nature humaine et à la perfectibilité potentielle de la personne et des institutions humaines.

La différence entre socialisme et communisme vaut la peine d’être relevée. Le socialisme vise une gestion et une régulation démocratiques du capitalisme de manière à calmer ses excès et à redistribuer les richesses qu’il produit pour le bien commun. Il consiste à répartir la richesse en aménageant une fiscalité progressive tout en garantissant que les besoins fondamentaux (éducation, santé, et même, logement) sont satisfaits par l’Etat en étant soustraits aux forces du marché. Nombre de réalisations majeures du socialisme redistributif de l’après-guerre, en Europe mais pas seulement, ont été intégrées socialement au point d’être protégées contre l’offensive néolibérale. Même aux Etats-Unis, la sécurité sociale et Medicare sont des services extrêmement populaires qui, pour la droite en général, s’avèrent quasiment impossibles à remettre en cause. En Grande-Bretagne, les thatchériens n’ont pas pu toucher au service de santé publique si ce n'est de façon marginale. L’assistance sociale en Scandinavie et presque partout en Europe occidentale semble être un fondement inébranlable de l’ordre social.

Le communisme, quant à lui, vise à renverser le capitalisme en créant un mode de production et de distribution des biens et des services entièrement différent. Dans l’histoire du communisme réellement existant, le contrôle social de la production, de l’échange et de la distribution, passait par le contrôle étatique et la planification systématique. La tentative a échoué sur le long terme même si, de manière intéressante, sa variante chinoise (et son application antérieure comme à Singapour, par exemple) a beaucoup mieux réussi que le modèle néolibéral pur à générer la croissance capitaliste pour des raisons que l’on ne pourra analyser ici. Les tentatives actuelles de raviver l’hypothèse communiste sont caractérisées par le refus de tout contrôle étatique et se tournent vers d’autres formes d’organisations sociales collectives en rejetant les forces du marché et l’accumulation du capital comme fondements de l’organisation de la production et de la distribution. Sont placés au cœur d’une nouvelle forme de communisme des systèmes de coordination entre des collectifs de producteurs et de consommateurs organisés de manière autonome, structurés en réseaux horizontaux et non plus en système hiérarchique de décisions descendantes. Les technologies contemporaines de la communication rendent ce modèle crédible. On rencontre partout dans le monde toutes sortes d’expérimentations qui, à petite échelle, développent ces formes économiques et politiques. On y observe une certaine forme de convergence entre les traditions marxistes et anarchistes, évoquant leur esprit général de collaboration qui remonte aux années 1860 en Europe.

La multiplicité des mouvements anticapitalistes

Même si rien n’est sûr, il est vraisemblable que 2009 marquera le début d’un long réveil dans lequel la question des alternatives au capitalisme, radicales et de grande ampleur, refera progressivement surface à un endroit ou un autre de la planète. Plus l’incertitude et la misère se prolongent, plus la légitimité des formes existantes de l’activité économique sera remise en cause et plus se renforcera l’exigence de construction de quelque chose d’autre. Plutôt que de simples emplâtres, des réformes radicales apparaîtront peut-être plus urgentes pour la refonte du système financier.

Le développement inégal des pratiques capitalistes à travers le monde a, en outre, fait naître partout des mouvements anticapitalistes. Les économies à dominante étatique d’une grande partie de l’Asie de l’Est donnent lieu (au Japon et en Chine) à des contestations différentes des multiples luttes contre le néolibéralisme qui se sont répandues à travers une bonne partie de l’Amérique latine où le mouvement révolutionnaire de pouvoir populaire bolivarien s'est construit dans un rapport particulier aux intérêts de classe capitalistes auxquels il lui reste encore à se confronter réellement. Les différences sur la tactique et les programmes en réponse à la crise parmi les Etats de l’Union européenne se renforcent alors même qu'est mise en route une deuxième tentative d’élaboration d’une constitution unifiée de l’UE. On rencontre également des mouvements révolutionnaires et résolument anticapitalistes, mais pas toujours progressistes, dans nombre de régions aux marges du capitalisme. Des espaces ont été ouverts à l’intérieur desquels peut s’épanouir quelque chose de tout à fait différent en termes de rapports sociaux dominants, de styles de vie, de capacités productives et de conceptions mentales du monde. Il s'agit aussi bien des talibans, du pouvoir communiste népalais, des zapatistes du Chiapas et des mouvements indigènes de Bolivie, que des mouvements maoïstes de l’Inde agraire, et ce, malgré le monde qui les sépare en matière d’objectifs, de stratégies et de tactiques. Le problème central est qu’au total, il n’y a pas de mouvement anticapitaliste résolu et suffisamment unifié en mesure de mettre en cause le règne de la classe capitaliste et la perpétuation de son pouvoir sur la scène mondiale. Il n’y a pas non plus une manière évidente de s’attaquer aux bastions des privilèges des élites capitalistes ou de juguler leur puissance d’argent comme leur puissance militaire. S’il existe des ouvertures vers un autre ordre social, nul ne peut vraiment dire ce qu’il est ni où il se trouve. Mais l’absence de force politique capable d’articuler un tel programme (et à plus forte raison, de le mettre en œuvre), n’est pas une raison pour s’interdire de commencer à envisager des alternatives.

« Que faire ? », la célèbre interrogation de Lénine, à coup sûr, ne peut trouver de réponse sans une idée de qui pourrait faire quoi et où. Mais un mouvement anticapitaliste global a peu de chances de voir le jour sans une perspective directrice de ce qu’il faut faire et de ce pour quoi il faut le faire. Il y a un double blocage : le manque de vision alternative fait obstacle à la formation d’un mouvement d'opposition et l’absence d’un tel mouvement empêche l’énonciation d’une alternative. Alors comment dépasser ce blocage ? Le rapport entre la vision de ce qu’il faut faire et de son pourquoi, et la formation d’un mouvement politique implanté dans une diversité de lieux, à même de remplir cette tâche, doit être pensé en spirale. Il doit y avoir renforcement mutuel si l’on veut arriver à accomplir quelque chose. Sans cela, l’opposition potentielle est condamnée à rester cantonnée dans un cercle fermé en deçà de toute perspective de changement constructif, nous exposant alors à un avenir sans fin de crises du capitalisme aux conséquences de plus en plus mortifères. La question de Lénine exige une réponse.

La principale question à traiter est assez claire. La croissance cumulative n’est pas possible indéfiniment et les problèmes qui assaillent le monde depuis trente ans mettent en évidence une limite à l’accumulation continue du capital qui ne peut être dépassée, si l'on excepte de pures fictions elles-mêmes sans avenir. Il faut ajouter à cela le fait qu’un grand nombre de gens dans le monde vivent dans des conditions de pauvreté abjectes, que les dommages environnementaux s’aggravent dans une dérive incontrôlée, que partout la dignité humaine est piétinée tandis que les riches amassent des fortunes (le nombre de milliardaires en Inde a doublé, en 2008, de 27 à 52) et que les leviers du pouvoir politique, institutionnel, judiciaire, militaire et médiatique sont soumis à une mainmise politique, aussi étroite que dogmatique, telle qu’ils ne peuvent plus guère servir qu'à la perpétuation du statu quo et à l’encadrement de la contestation.

Pour une théorie « co-révolutionnaire »

Une orientation politique révolutionnaire qui ne craint pas de s’attaquer à l’accumulation sans fin du capital pour remettre en cause son rôle de moteur fondamental de l’histoire de l'humanité, doit disposer d’une compréhension fine des logiques du changement social. Les échecs des tentatives passées de construire un socialisme et un communisme durables doivent être évités et il faut tirer les leçons de cette histoire extrêmement compliquée. Dans le même temps, il faut reconnaître l’absolue nécessité d’un mouvement anticapitaliste révolutionnaire cohérent. L’objectif fondamental de ce mouvement est de prendre en charge le contrôle social tant de la production que de la distribution des excédents. Il nous faut d’urgence une théorie révolutionnaire explicite adaptée à notre époque.

Je propose de parler d’une « théorie co-révolutionnaire » dérivée d’une interprétation de l’analyse que fait Marx de la manière dont le capitalisme naît du féodalisme. Le changement social s’accomplit dans un déploiement dialectique de rapports entre sept moments internes au corps politique du capitalisme compris comme ensemble, ou assemblage, d’activités et de pratiques :

(a) les formes technologiques et organisationnelles de production, d’échange et de consommation

(b) les rapports à la nature

(c) les rapports sociaux entre les gens

(d) les conceptions mentales du monde, regroupant des savoirs et des grilles d’interprétations culturelles et des croyances

(e) des procès de travail et de production de biens spécifiques, de géographies, de services ou d’affects

(f) des agencements institutionnels, légaux et gouvernementaux

(g) l’encadrement de la vie quotidienne qui sous-tend la reproduction sociale.

Chacun de ces moments a sa dynamique interne et est porteur de tensions et de contradictions internes (il suffit de penser aux représentation mentales du monde) mais tous sont co-dépendants et co-évoluent en interaction les uns avec les autres. La transition vers le capitalisme s'est faite par le mouvement de soutien mutuel de l’ensemble de ces sept moments. De nouvelles technologies et de nouvelles pratiques ne pouvaient être identifiées sans une nouvelle représentation mentale du monde (comprenant la conception du rapport à la nature et des rapports sociaux). Les théoriciens du social ont l’habitude de ne prendre qu’un seul de ces moments pour y voir la clé ultime de tout changement. Que ce soit les représentants du déterminisme technologique (Tom Friedman), les déterministes environnementaux (Jarad Diamond), les déterministes de la vie quotidienne (Paul Hawkin), les déterministes du procès de travail (les autonomistas), les institutionnalistes, et ainsi de suite, tous se trompent. Ce qui compte, c’est le mouvement dialectique propre à l’ensemble de tous ces moments, malgré le développement inégal inscrit dans ce mouvement même.

Lorsque le capitalisme franchit l’une de ses phases de renouvellement, il le fait précisément en co-engageant tous ces moments, ce qui, bien entendu, ne va pas sans tensions, luttes, combats et contradictions. Mais, que l’on observe la configuration de ces moments vers 1970, avant le déferlement néolibéral et que l’on observe ce à quoi ils ressemblent à présent, et l’on verra qu’ils ont tous changé au point de redéfinir les caractéristiques en vigueur du capitalisme compris comme totalité non-hégélienne.

Un mouvement politique anticapitaliste peut commencer n’importe où, dans le procès de travail, dans les conceptions mentales, dans le rapport à la nature, dans les rapports sociaux, dans l’élaboration de technologies et de formes organisationnelles révolutionnaires, à partir de la vie quotidienne ou dans des tentatives de reformer des structures institutionnelles et administratives incluant la reconfiguration des pouvoirs d’Etat. Le tout est de s’assurer que le mouvement politique circule d’un moment à l’autre dans une dynamique de renforcement mutuel. C’est ainsi que le capitalisme est sorti du féodalisme et c’est de cette manière que quelque chose de radicalement différent, qu'on l'appelle communisme, socialisme ou ce que l’on voudra, doit naître du capitalisme. Les tentatives antérieures de créer une alternative communiste ou socialiste ont été incapables de maintenir en mouvement cette dialectique entre les divers moments et d’englober les dimensions d’imprévisibilité et d’incertitude propres à ce mouvement dialectique entre les moments. Le capitalisme a survécu précisément en maintenant ce mouvement dialectique entre les divers moments et en englobant de manière constructive les tensions inévitables, y compris les crises, qui en résultent.

Le changement se produit, bien entendu, à partir de certains états de choses et il lui faut savoir utiliser les possibilités immanentes à la situation déjà existante. Dès lors que la situation existante varie considérablement du Népal aux côtes pacifiques de la Bolivie, aux cités désindustrialisées du Michigan et aux villes de Bombay et Shanghai, encore en expansion, en passant par les centres financiers malmenés mais loin d’être éliminés que sont New York et Londres, les expérimentations de changement social les plus diverses, à divers endroits et à des échelles géographiques distinctes, représentent des manières à la fois possibles et potentiellement instructives de rendre (ou non) un autre monde possible. Et dans chaque cas, il peut sembler que l’un ou l’autre aspect de la situation existante représente la clé d’un avenir politique autre. Mais la première règle d’un mouvement anticapitaliste global doit être : ne jamais compter sur le déploiement dynamique d’un moment (a, b, c, ...) sans soigneusement mesurer la manière dont s’adapte et résonne l’interaction avec tous les autres.

Construire des alliances transversales

Des possibilités à-venir praticables émergent de l’état existant des rapports entre les différents moments. Les interventions politiques stratégiques tant à l’intérieur qu’à travers les diverses sphères peuvent faire avancer l’ordre social sur une autre trajectoire de développement. C’est ce que des dirigeants avisés et des institutions tournées vers l’avenir font en permanence dans des contextes locaux et il n’y a aucune raison de penser qu’il pourrait y avoir quoi que ce soit de particulièrement étrange ou utopique dans le fait d’agir de la sorte. La gauche doit chercher à construire des alliances qui relient ou qui soient transversales à toutes celles et ceux qui travaillent au sein de ces diverses sphères. Un mouvement anticapitaliste doit être beaucoup plus étendu que les groupes mobilisés sur les questions des rapports sociaux ou sur les questions de la vie quotidienne en elles-mêmes. Les défiances traditionnelles entre, par exemple, les détenteurs d’expertises techniques, scientifiques et administratives et les animateurs des mouvements sociaux sur le terrain, doivent être pensées et surmontées. Nous avons maintenant sous la main, avec le mouvement contre le changement climatique, un exemple significatif de la manière dont ces alliances peuvent commencer à se faire.

Dans ce cas précis, le rapport à la nature est le point de départ, mais tout le monde comprend qu’il doit avoir une répercussion sur tous les autres moments et même si certains entretiennent l’illusion d’une solution purement technologique au problème, il devient de plus en plus évident chaque jour que sont impliqués la vie quotidienne, les conceptions mentales, les configurations institutionnelles, les procès de production et les rapports sociaux. Tout ceci passe donc par un mouvement de restructuration de la société capitaliste comme totalité et par la confrontation à la logique de croissance à la base même du problème.

Dans tout mouvement de transition, cela dit, il doit y avoir un ensemble d’objectifs communs faisant à peu près consensus. Certaines normes directrices peuvent être énoncées. Elles pourraient comprendre (j’avance ces propositions au simple titre de contribution à la discussion) le respect de la nature, l’égalitarisme radical dans les rapports sociaux, des configurations institutionnelles basées sur un principe d’intérêts communs et de propriété commune, des procédures administratives démocratiques (par opposition avec les impostures monétisées qui ont cours aujourd’hui), des procès de travail gérés par les producteurs directs eux-mêmes, une vie quotidienne comme exploration libre de nouveaux genres de rapports sociaux et de manière de mener sa vie, des conceptions mentales centrées sur la réalisation de soi au service des autres et des innovations technologiques et organisationnelles orientées vers la poursuite du bien commun plutôt que vers le soutien au pouvoir militarisé, à la surveillance et à la rapacité entrepreneuriale. Ce pourraient être les axes co-révolutionnaires autour desquels pourrait converger et s’articuler l’intervention sociale. C’est utopique, évidemment ! Et alors ? Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas l’être.

Regardons plus précisément un aspect particulier du problème que je rencontre dans mon propre lieu de travail. Les idées produisent des effets et les idées fausses peuvent se révéler dévastatrices. L’échec des politiques basées sur une pensée économique erronée a joué un rôle crucial dans la débâcle des années 1930 et dans l’apparente incapacité d’y trouver une issue valable. Bien qu’il n’y ait pas consensus chez les historiens et les économistes quant à savoir précisément quelles politiques échouèrent, il y accord pour dire que le prisme des connaissances qui a servi de cadre de compréhension de la crise devait être intégralement repensé. C’est Keynes et ses collègues qui s’en chargèrent. Mais arrivé au milieu des années 1970, il apparut clairement que les instruments des politiques keynésiennes étaient devenus inopérants, ne serait-ce que du point de vue de leur modalité de mise en œuvre, et c’est dans ce contexte que le monétarisme, la théorie de l’économie de l’offre et la (magnifique) modélisation mathématique de la micro-économie des comportements du marché ont supplanté les synthèses macro-économiques de l’approche keynésienne. Le cadre théorique monétariste et plus étroitement néolibéral qui a prévalu après 1980 est aujourd’hui remis en question. Cette approche a échoué lamentablement.

La force matérielle des idées

Il nous faut de nouvelles conceptions mentales pour comprendre le monde. Quelles peuvent-elles être et qui les produira, compte tenu du malaise sociologique et intellectuel entourant la production et plus généralement (mais de manière tout aussi importante) la diffusion du savoir ? Les conceptions mentales profondément intériorisées et associées aux théories néolibérales, à la néolibéralisation et au tournant vers l’université-entreprise et les média-entreprises ont joué un rôle tout à fait significatif dans la production de la crise actuelle. Par exemple, toute la question de ce qu’il faut faire du système financier, du secteur bancaire, du rapport Etat-finance et du pouvoir des droits de propriété privée, ne peut être envisagée sans sortir de la boîte à idées reçues. Il en va d’une révolution dans la pensée à des niveaux aussi divers que l’université, les média, le gouvernement, comme à l’intérieur des institutions financières elles-mêmes.

Bien qu’aucunement disposé à promouvoir l’idéalisme philosophique, Karl Marx estimait que les idées étaient une force matérielle dans l’histoire. Les conceptions mentales sont, après tout, l’un des sept moments de cette théorie générale du changement co-révolutionnaire. Les développements autonomes et les conflits internes visant à déterminer quelles conceptions mentales doivent devenir hégémoniques ont, par conséquent, un important rôle historique à jouer. C’est la raison pour laquelle Marx, avec Engels, écrivit Le Manifeste communiste, Le Capital, et quantité d’autres ouvrages. Ces travaux proposent une critique systématique, bien qu’incomplète, du capitalisme et de ses tendances à la crise. Mais comme le dit Marx avec insistance, c’est lorsque ces idées critiques passent dans les domaines des configurations institutionnelles, des formes organisationnelles, des systèmes de production, dans la vie quotidienne, les rapports sociaux, les technologies et le rapport à la nature, que le monde peut alors vraiment changer.

L’objectif de Marx étant de changer le monde et non de se contenter de l’interpréter, les idées devaient être formulées avec une certaine charge révolutionnaire. Voilà qui heurtait frontalement des manières de penser à la fois plus proches et plus utiles à la classe dirigeante. Le fait que la pensée agonistique de Marx, ces dernières années en particulier, a été la cible de condamnations et d’exclusions répétées (pour ne rien dire de la multiplicité des édulcorations et mésinterprétations) laisse entendre que ses idées sont probablement trop dangereuses pour que la classe dirigeante s’en accommode. Si Keynes confessa à plusieurs reprises n’avoir jamais lu Marx, il fut toutefois entouré et influencé, au cours des années 1930, par nombre de personnes (comme sa collègue économiste Joan Robinson) qui elles, s’en étaient chargées. Nombre d’entre elles s’opposèrent vigoureusement aux concepts fondamentaux de Marx et à son mode de raisonnement dialectique tout en se révélant extrêmement attentifs et réceptifs à ce qu’il avait su anticiper. Il n’est pas exagéré de dire, me semble-t-il, que la révolution de la théorie keynésienne n’aurait pas vu le jour sans la présence subversive d’un Marx caché quelque part en coulisse.

Le problème, de nos jours, est que la plupart des gens n’ont pas la moindre idée de qui était Keynes et de ce qu’il défendait, et dans le même temps, la connaissance de la pensée de Marx est quasi-inexistante. La condamnation des courants de pensée critiques et radicaux, ou plus précisément, l’enfermement du radicalisme dans les limites du multiculturalisme, des problématiques identitaires et du choix culturel, engendre une situation déplorable dans l’université et au-delà, et qui sur le fond, n’est pas différente de celle qui consiste à demander aux banquiers de traiter les problèmes avec les instruments qu'ils ont eux-mêmes créés. L’adhésion générale aux idées postmodernes et post-structuralistes, qui célèbrent le particulier aux dépens de la recherche d’une vue d’ensemble, ne facilite pas les choses. Oui, le local et le particulier sont d’une importance vitale et les théories qui s’avèrent incapables, par exemple, de penser la différence géographique font beaucoup de mal. Mais y trouver un prétexte pour exclure toute considération qui déborderait les frontières de sa paroisse serait consacrer la trahison des intellectuels et l’anéantissement de leur rôle traditionnel.

Une nouvelle génération étudiante

Les milieux d’universitaires, d’intellectuels et autres experts en sciences sociales et dans le champ des humanités, sont aujourd’hui, dans l’ensemble, mal-équipés pour entreprendre la tâche collective de transformation des structures du savoir. Ils ont, à vrai dire, eux-mêmes été profondément impliqués dans la construction de nouveaux systèmes de gouvernementalité néolibérale qui ignorent les questions de légitimité et de démocratie, et nourrissent l’autoritarisme technocratique. Rares sont celles et ceux montrant une disposition à une démarche de remise en question. Les universités continuent de promouvoir les mêmes programmes inutiles sur la théorie économique néoclassique ou la théorie politique du choix rationnel comme si de rien n’était, pendant que les écoles de commerces les mieux cotées se contentent d’ajouter un cours ou deux d’éthique commerciale ou concernant la meilleure manière de gagner de l’argent avec les faillites des autres. Mais après tout, la crise est le résultat de l’avidité humaine et l’on ne peut rien y faire !

La structure actuellement dominante du savoir est clairement dysfonctionnelle et illégitime. Le seul espoir qu’il nous reste est qu’une nouvelle génération d’étudiant-e-s intelligent-e-s (au sens large de toutes celles et ceux qui cherchent à connaître le monde) s’en rende bien compte et s’attache à la transformation de cette structure du savoir. Ce fut le cas dans les années 1960. A d’autres moments charnières de l’histoire, des mouvements inspirés par les milieux étudiants, constatant le décalage entre la situation du monde et ce qu’il leur était enseigné et resservi par les médias, ont été capables d'agir pour que ça change. De tels mouvements donnent aujourd’hui des signes, de Téhéran à Athènes et sur nombre de campus universitaires européens. La manière dont se comportera la nouvelle génération d’étudiants en Chine est probablement une préoccupation majeure dans l’antre du pouvoir politique à Pékin.

Un mouvement révolutionnaire jeune, conduit par les étudiants, avec toutes les incertitudes et les difficultés qui peuvent être les siennes, est une condition nécessaire mais non suffisante pour produire cette révolution des conceptions mentales qui peut être à même de nous conduire à une solution plus rationnelle des problèmes actuels de la croissance indéfinie.

Plus généralement, que se passerait-il si un mouvement anticapitaliste prenait forme à partir d’une alliance large regroupant les exclus, les mécontents, les démunis et les dépossédés ? L’image d’une telle population se soulevant un peu partout, revendiquant et gagnant la place qui lui revient dans la vie sociale, politique et économique, a de quoi éveiller l’enthousiasme. Elle est aussi l’occasion de se poser la question de ce que pourrait être la nature de ces revendications et du type d’action à mener.

Des transformations révolutionnaires ne peuvent être accomplies sans, au minimum, transformer nos propres idées, sans abandonner nos préjugés et convictions les plus chères, sans renoncer à diverses satisfactions et à divers droits d’ordre quotidien, et sans nous soumettre à une nouveau régime de vie quotidienne, sans changer nos rôles politiques et sociaux, sans réassigner nos droits, devoirs et responsabilités et sans altérer nos comportement pour mieux nous conformer aux besoins collectifs et à la volonté commune. Le monde qui nous entoure (nos géographies) doit se voir donner une forme radicalement nouvelle, tout comme nos rapports sociaux, le rapport à la nature et tous les autres moments du processus co-révolutionnaire. On peut comprendre, dans une certaine mesure, que certains préfèrent la politique du déni à la confrontation active avec tout cet ensemble d’exigences.

Il peut être aussi réconfortant de se dire que tout ceci pourrait être accompli pacifiquement et volontairement, que nous pourrions nous déposséder nous-mêmes, nous retirer à nous-mêmes, en quelque sorte, tout ce qu’aujourd’hui nous possédons et qui fait barrage à la création continue d’un ordre social plus juste. Mais on ne peut faire semblant de croire que les choses pourraient simplement être ainsi et qu’aucune lutte active, incluant une part de violence, ne sera nécessaire. Le capitalisme est né, comme le dit Marx, par le feu et le sang. Bien que l’on doive pouvoir se montrer plus adroit pour en sortir que pour y entrer, un passage purement pacifique vers la terre promise reste quand même fort peu probable.

Les divers courants de pensée dans la gauche

(a) Il y a, premièrement, le sectarisme habituel issu d’une histoire de l’action radicale et des diverses énonciations de la théorie politique de gauche. Bizarrement, s’il y a un endroit où l’amnésie est moins marquée, c’est dans la gauche (les scissions entre anarchistes et marxistes remontant aux années 1870, entre trotskistes, maoïstes et communistes orthodoxes, entre les centralisateurs voulant diriger l’Etat et les autonomes et les anarchistes anti-étatistes). Les querelles sont âpres et facteurs de discordes au point de se demander si un peu plus d’amnésie ne serait pas souhaitable au bout du compte. Mais au-delà de ces sectes révolutionnaires et de ces factions politiques traditionnelles, tout le champ de l’action politique a subi une transformation radicale depuis le milieu des années 1970. Le terrain de la lutte politique et des possibilités politiques s’est déplacé tant sur le plan géographique qu’organisationnel.

Il existe aujourd'hui un grand nombre d’organisations non-gouvernementales (ONG) jouant un rôle politique à peine visible avant le milieu des années 1970. Financées à la fois par l’Etat et par le privé, intégrant souvent des organisateurs et des penseurs idéalistes (elles constituent un vaste programme d’emploi), et le plus souvent consacrées à des questions spécifiques (l’environnement, la pauvreté, les droits des femmes, la lutte contre l’esclavage et les trafics humains, etc.), elles évitent le terrain politique de l’anticapitalisme malgré leur adhésion à des causes et à des idées progressistes. Dans certains cas, cela dit, elles sont activement néolibérales, participent à la privatisation de fonctions de l’Etat providence ou encouragent des réformes institutionnelles propres à faciliter l’entrée dans le marché de populations marginalisées (les programmes de micro-finances et de microcrédits destinés aux populations à faibles revenus en sont l’exemple même).

Les radicaux et les militants sincères se retrouvent dans ce monde des ONG, mais leur action, au mieux, se limite à améliorer l’existant. Collectivement, le bilan de leurs réalisations est inégal, bien que dans certains domaines, tels que les droits des femmes, la santé et la protection environnementale, ils peuvent raisonnablement se prévaloir d’une contribution majeure à l’amélioration des conditions de vie. Mais la transformation révolutionnaire par les ONG est impossible. Elles sont bien trop à la merci des postures politiques et programmatiques de leurs donateurs. Par conséquent, même si, en aidant à retrouver un pouvoir de décision à échelle locale, elles contribuent à ouvrir des espaces dans lesquels des alternatives anticapitalistes deviennent possibles, voire, soutiennent l’expérimentation de ces alternatives, elles ne font rien pour empêcher la récupération de ces alternatives dans la pratique capitaliste dominante, et pour tout dire, elles l’encouragent. Le pouvoir collectif des ONG, à l’heure actuelle, s’illustre dans le rôle dominant qu’elles jouent au sein du Forum social mondial où les tentatives pour forger un mouvement pour la justice globale, une alternative globale au néolibéralisme, se sont concentrés ces dix dernières années.

(b) Une deuxième mouvance oppositionnelle vient des anarchistes, des autonomistes et des organisations populaires locales qui refusent tout financement extérieur même lorsque certaines de ces forces continuent de s’appuyer sur une base institutionnelle alternative (comme l’église catholique et ses initiatives au niveau des « communautés de base » en Amérique latine, ou les soutiens diversifiés des églises aux mobilisations politiques dans les zones de relégation intra-urbaines à majorité noire [inner cities] aux Etats-Unis). Ce groupe est loin d’être homogène (on pense d’ailleurs aux âpres polémiques qui opposent, par exemple, les anarchistes sociaux à ceux qu’ils accusent de réduire l’anarchisme à un simple « style de vie » [lifestyle anarchists]). S’y exprime cependant une antipathie commune pour la négociation avec le pouvoir d’Etat et un attachement à la société civile comme sphère où le changement est possible. Les capacités auto-organisatrices des gens dans leurs situations quotidiennes doivent être le point de départ de toute alternative anticapitaliste. Leur mode d’organisation favori est la mise en réseau horizontale. La forme d’économie politique qu’ils préfèrent est ce que l’on a maintenant coutume d’appeler les « économies solidaires » basées sur le troc, les collectifs et les systèmes de production locale. Ils se distinguent par leur opposition de l’idée qu’une direction centrale, quelle qu’elle soit, puisse être nécessaire et rejettent les rapports sociaux hiérarchisés ou les structures de pouvoir hiérarchisées ainsi que les partis politiques conventionnels. Ce genre d’organisation existe partout et dans certains cas, elles sont parvenues à s’assurer une visibilité politique de premier plan. Certaines sont sur un registre radicalement anticapitaliste et adhèrent à des objectifs révolutionnaires, et dans certains cas, vont jusqu’à défendre le sabotage entre autres formes d'actions (dans un lointain écho aux Brigades rouges en Italie, au groupe Baader Meinhoff en Allemagne ou au Weather Underground dans les Etats-Unis des années 1970). Mais l’efficacité de tous ces mouvements (indépendamment de leur frange plus violente) est limitée par leur réticence et leur incapacité à convertir leur militantisme en forme organisationnelle à large échelle, à même de se confronter à des problèmes globaux. Les présupposés selon lesquels le local est le seul niveau d’intervention valable et que tout ce qui ressemble à de la hiérarchie est forcément contre-révolutionnaire mettent les uns et les autres dans l’impasse dès qu’il s’agit d’aborder des enjeux plus généraux. Il demeure que de tels mouvements constituent indiscutablement une large base d’expérimentation pour une orientation politique anticapitaliste.

(c) Une troisième grande tendance vient des transformations qui ont traversé les traditionnelles organisations du monde du travail et les partis politiques de gauche, des filiations sociale-démocrates jusqu’aux formes trotskistes et communistes d’organisation de partis politiques. Cette tendance n’est pas hostile à la conquête du pouvoir d’Etat ou aux formes d’organisation hiérarchisées. Elle considère d’ailleurs ces dernières comme nécessaires à l’intégration de l’organisation politique entre diverses échelles politiques. Du temps où la sociale-démocratie était hégémonique en Europe et influente aux Etats-Unis même, le contrôle étatique de la distribution des excédents était devenu l’instrument décisif de réduction des inégalités. Le fait de ne pas avoir pris le contrôle social de la production des excédents et donc, de ne pas s’être réellement attaqué au pouvoir de la classe capitaliste, fut le talon d’Achille de ce système politique, mais nous ne devrions pas oublier les avancées qu’il réalisa, même s’il ne peut suffire aujourd’hui, à l’évidence, de revenir à un tel modèle politique, entre discours du bien-être social [welfarism] et keynésianisme économique. Le mouvement bolivarien en Amérique latine et l'arrivée au pouvoir de gouvernements progressistes social-démocrates est un des signes les plus prometteurs d’un retour de l’étatisme de gauche sous une nouvelle forme.

Tant les organisations du monde du travail que les partis politiques de gauche ont subi de forts contrecoups dans le monde capitaliste au cours des trente dernières années. Les uns et les autres se sont laissés convaincre ou ont été contraints d’apporter un soutien large à la néolibéralisation tout en lui maintenant un visage un peu plus humain. On peut voir dans le néolibéralisme (comme on l’a noté précédemment) un mouvement d’ampleur, assez révolutionnaire (conduit par cette dirigeante révolutionnaire auto-proclamée que fut Margaret Thatcher), de privatisation des excédents, ou du moins, d’arrêt de leur dynamique de socialisation.

Si l’on perçoit des signes de renaissance des organisations du monde du travail et des orientations politiques de gauche (par distinction avec la « troisième voie » qu’ont célébrée les néo-travaillistes britanniques sous Tony Blair et qui a fait l’objet d’imitations désastreuses par nombre de partis social-démocrates européens), des signes de l’émergence de partis politiques plus radicaux dans divers endroits du monde, la référence exclusive à une avant-garde ouvrière est aujourd’hui remise en cause, tout comme est remise en cause la capacité de ces partis de gauche radicale qui parviennent à accéder à des responsabilités politiques, à avoir un impact significatif sur le développement du capitalisme et à faire face à la dynamique désordonnée d’une accumulation porteuse de crises. Le bilan des Verts allemands au pouvoir n’est pas exactement mirobolant si on le compare à leur profil politique dans l’opposition et les partis social-démocrates se sont complètement fourvoyés en tant que force politique réelle. Mais les partis politiques de gauche et les syndicats gardent un certain poids et leur prise en charge de certains aspects du pouvoir d’Etat, comme c’est le cas avec le PT brésilien ou le mouvement bolivarien au Venezuela, a clairement eu un impact sur la pensée de gauche, et pas seulement en Amérique latine. Le problème compliqué de l’interprétation du rôle du parti communiste en Chine, avec son contrôle exclusif du pouvoir politique, et ce que peuvent réserver ses choix futurs, ne se règle pas facilement non plus.

La théorie co-révolutionnaire présentée ici semble indiquer qu’un ordre social anticapitaliste ne peut être construit sans prise et transformation radicale du pouvoir d’Etat et sans refonte du cadre constitutionnel et institutionnel aujourd’hui au service de la propriété privée, du système du marché et de l’accumulation sans fin du capital. La concurrence inter-étatique et les luttes géo-économiques et géopolitiques sur tous les fronts (des échanges et de l’argent jusqu’aux questions d’hégémonie) sont bien trop importantes pour être laissées aux mouvements sociaux locaux ou abandonnées parce que trop vastes pour que l’on s’en soucie. Le remaniement de l’architecture du complexe étatico-financier et les questions urgentes de la mesure commune de la valeur que confère l’argent ne peuvent ignorées dans la recherche de la construction d’alternatives à l’économie politique capitaliste. Il y a donc quelque chose de ridicule à vouloir ignorer l’Etat et la dynamique du système inter-étatique et aucun mouvement révolutionnaire anticapitaliste ne peut l’accepter.

(d) La quatrième grande mouvance est celle que forment tous les mouvements sociaux qui ne sont pas tant guidés par telle ou telle philosophie politique ou orientation que par le besoin pragmatique de résister au déplacement et à la dépossession (entraînée par la gentrification, le développement industriel, la construction de barrages, la privatisation de l’eau, le démantèlement des services sociaux et de l’accès à l’éducation publique, entre autres). Cela passe par une attention particulière portée à la vie quotidienne dans la ville (grande et petite), dans le village, ou tout autre cadre fournissant la base matérielle à l’activité politique contre les menaces que les politiques étatiques et les intérêts capitalistes font invariablement peser sur des populations vulnérables. Ces formes de contestations politiques sont massives.

Là encore, il y a un large éventail de mouvements sociaux de ce type, certains pouvant se radicaliser au fil d’une prise de conscience que les problèmes sont d’ordre systémique plutôt que particulier et local. Le rapprochement de tels mouvements sociaux dans des alliances pour la terre (par exemple, Via Campesina, le mouvement des sans terre au Brésil, ou les mobilisations paysannes contre le pillage des terres et des ressources par les grandes entreprises capitalistes en Inde) ou dans des contextes urbains (le droit à la ville et les mouvements de repossession de la terre au Brésil et maintenant aux Etats-Unis) montrent que la voie peut être ouverte aux alliances larges pour débattre et s’attaquer aux forces systémiques qui produisent ici de la gentrification, là une construction de barrage, à tel autre endroit, des privatisations, etc. Plus pragmatiques qu’idéologiquement orientés, ces mouvements, à partir de leur propre expérience, peuvent néanmoins parvenir à des interprétations systémiques. Dès lors que nombre d’entre eux sont présents au même endroit – dans la grande ville, par exemple – ils peuvent (comme on imagine que ce fut le cas pour les ouvriers des fabriques des premiers temps de la révolution industrielle) faire cause commune et commencer à forger, sur la base de leur propre expérience, une conscience du fonctionnement du capitalisme et de ce qu’il est collectivement possible de faire. C’est le terrain sur lequel la figure du dirigeant « intellectuel organique », dont il est tant question chez Gramsci, de l’autodidacte qui se dote d’une compréhension du monde de première main dans de dures expériences, mais qui élabore sa propre interprétation plus générale du capitalisme, a beaucoup à apporter. C’est un privilège que de faire son éducation en écoutant des dirigeants paysans du MST brésilien ou des dirigeants des luttes contre le pillage des terres par les grandes entreprises. Dans ce cas, la tâche de celles et ceux qui sont instruit-e-s, exclu-e-s et en colère est d’amplifier les voix subalternes et de faire connaître les conditions d’exploitation et de répression, ainsi que les réponses pouvant être porteuses d’un programme anticapitaliste.

(e) Le cinquième épicentre de transformation sociale se situe dans les mouvements d’émancipation consacrés aux questions d’identité – femmes, enfants, homosexuels, minorités raciales, ethniques et religieuses, demandent toutes et tous une même place au soleil – et dans tout l’éventail des mouvements environnementaux qui ne sont pas explicitement anticapitalistes. Les mouvements revendiquant l’émancipation sur chacune de ces questions sont inégalement distribués géographiquement et sont souvent divisés géographiquement en termes de besoins et d’aspiration. Mais les conférences globales sur les droits des femmes (Nairobi en 1985, qui conduisit à la déclaration de Pékin en 1995) ou sur l’antiracisme (avec la conférence beaucoup plus controversée qui eut lieu à Durban en 2009) tentent de trouver un terrain commun, comme c’est également le cas avec les conférences sur l’environnement, et il ne fait pas de doute que les rapports sociaux changent avec toutes ces dimensions, au moins dans certaines parties du monde. Lorsque leurs problématiques sont formulées en termes essentialistes, ces mouvements peuvent apparaître incompatibles avec la lutte des classes. Il est clair que dans une grande partie de l’université, ces approches ont pris le pas sur l’analyse de classe et l’économie politique. Mais la féminisation de la force de travail à échelle globale, la féminisation quasi-universelle de la pauvreté et l’instrumentation des disparités de genres au service du contrôle sur la main d’œuvre, font de l’émancipation des femmes, et au bout du compte, de leur libération contre les répressions qui pèsent sur elles, une condition nécessaire de l’affinement des objectifs de la lutte des classes. On peut en dire autant de toutes les autres formes d’identités soumises à la discrimination ou à la répression directe. Le racisme et l’oppression des femmes et des enfants ont joué un rôle fondamental dans l’apparition du capitalisme. Mais le capitalisme tel qu’il existe aujourd’hui peut, en principe, survivre sans ces formes de discrimination et d’oppression, bien que sa capacité politique à survivre ait vocation à être sévèrement restreinte, voire, pourrait ne pas survivre, face à une force de classe plus unifiée. L’adoption très limitée du multiculturalisme et des droits des femmes dans le monde de l’entreprise, en particulier aux Etats-Unis, donne quelques signes de l’adaptation du capitalisme à ces dimensions du changement social (l’environnement y compris), tout en en revenant à la prééminence des divisions de classes comme dimension principielle de l’action politique.

Ces cinq grandes tendances ne sont pas mutuellement exclusives et ne recouvrent pas la totalité des modes organisationnels de l’action politique. Certaines organisations associent ces cinq tendances avec habileté. Mais il reste beaucoup à faire pour rassembler ces diverses tendances autour de la question sous-jacente : le monde peut-il changer matériellement, socialement, mentalement et politiquement, en vue de mettre un terme non seulement à l’état désastreux des rapports sociaux et environnementaux si répandus dans le monde, mais également à la perpétuation indéfinie de l'accumulation capitaliste ? C’est la question sur laquelle toutes celles et ceux qui connaissent la colère et l’aliénation doivent insister encore et encore, tout en apprenant de celles et ceux qui sont exposés à l’expérience directe de la souffrance et qui font preuve d’un si grand savoir-faire en matière d’organisation des résistances aux terribles conséquences vécues, sur le terrain, de l'accumulation capitaliste.

Marx et Engels l’affirment dans leur préface du Manifeste communiste : les communistes n’ont pas de parti politique. Ils se constituent simplement, à tout moment et en tout lieu, comme celles et ceux qui comprennent tant les limites, les carences et les tendances destructrices de l’ordre capitaliste, que les innombrables masques idéologiques et les fausses légitimations que les capitalistes et leurs apologistes (en particulier dans les médias) produisent afin de perpétuer leur propre pouvoir de classe. Les communistes sont toutes celles et ceux qui travaillent d’arrache-pied à produire un avenir autre que celui que le capitalisme nous réserve. Voilà une définition intéressante. Si le communisme institutionnalisé traditionnel est bel et bien mort et enterré, il y a, parmi nous, selon cette définition, des millions de communistes de fait, ceux-là bien vivants, prêts à agir à partir de leur compréhension des choses, prêts à répondre de manière créative aux impératifs anticapitalistes. Si, comme le disait le mouvement altermondialiste de la fin des années 1990, « un autre monde est possible », alors pourquoi ne pas aussi dire qu’« un autre communisme est possible » ? Les conditions actuelles du développement capitaliste exigent quelque chose de cet ordre, si l’on veut espérer une transformation profonde.

Traduction de Thierry Labica

[les inter-titres sont de la rédaction]

1 Cet article est le texte de l'intervention prononcée par l'auteur au Forum social mondial 2010 de Porto Alegre (cf. davidharvey.org). Il est paru en français dans le n°7 (nouvelle série) de la revue ContreTemps, 3è trimestre 2010.